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De la volonté générale selon Rousseau au R.I.C.

Pour ceux qui ont lu Rousseau, il ne leur aura pas échappé, que l'ancêtre du R.I.C. (Référendum d'Initiative Citoyenne), apparaît dans sa pensée, sous la forme de la volonté générale.  Petite mise au point dans l'Ouvroir.

benjamin constant, gilets jaunes, Jean-Jacques Rousseau, RIC, Emmanuel Macron, Une volonté générale qu'il fait prévaloir sur la servitude, qui n'a soit dit en passant rien de naturelle ni de légitime, - ce qui veut dire que nous n'avons plus à accepter les leçons de morale venues du haut de la société pour nous réduire à des ignorants, des insurgés ou des séditieux. "Renoncer à sa liberté, c'est renoncer à sa qualité d'homme, aux droits de l'humanité, même à ses devoirs." (Du Contrat social)

Bien, ceci étant posé, continuons. La liberté n'est pas la sécurité. Vous voyez ce que je vise. Ce n'est pas non plus l'autorité paternelle "dont plusieurs ont fait dériver le gouvernement absolu de toute la société" (Discours sur l'origine...). Donc, le propos est clair : si l'homme est né libre, aucune autorité ne peut justifier de lui ôter cette liberté, ne serait-ce qu'un cours laps de temps, comme celui du mandat présidentiel par exemple. Selon Rousseau, du moins pour ceux qui savent le lire, le peuple doit conserver le pouvoir. Le droit naturel (rappelons que le droit naturel relève de la nature humaine et permet d'instaurer le droit politique, et de donner les conditions de la légitimité) implique donc que la légitimité soit définie par la souveraineté populaire. Il ne faut donc pas confondre le contrat mystificateur nous prévient Rousseau, avec le contrat social légitime, dans lequel le peuple détient le pouvoir souverain. 
Le contrat social n'est donc pas un contrat de gouvernement, mais un contrat d'association, qui nous permet d'obéir aux mêmes lois, à égalité. Cela ne vous rappelle pas quelque chose ? 

Ce que je crois, c'est que le R.I.C. pose problème (je parle pour ceux qui gouvernent, pas pour les perroquets qui répètent les arguments qui tournent en boucle dans la bouche des inféodés du pouvoir !) parce que ses partisans pensent désormais un nouveau contrat social, totalement révolutionnaire, à l'inverse des théories classiques de la raison d’État admises jusqu'alors. Ce contrat, permettant de régler les institutions particulières selon la volonté générale, prend désormais en compte les besoins réels des populations ; au service de la volonté du peuple, ce qui n'est pas le cas dans les théories de la raison d’État, ce contrat ne sera plus désormais au service de la volonté des Princes, ce qui est fort embêtant, vous en conviendrez ! 

Voilà de quoi déjà réfléchir, même s'il y a encore beaucoup à préciser. Je m'excuse déjà auprès des rousseauistes qui verront pas mal de simplifications dans mon propos, mais faire de la pédagogie, c'est faire des choix. 

gilets jaunes, Jean-Jacques Rousseau, RIC, Emmanuel Macron,

Gilets Jaunes, Acte V, 15 décembre 2018

 

Donc des grincheux dits "Gilets Jaunes" réclament un R.I.C., l'instauration d'une VIè République, et la restauration d'une souveraineté populaire, sans quoi ils déclencheront une guerre civile. Ces "séditieux", ces "ennemis de la démocratie" réclament donc plus de démocratie, de quoi en faire des gens d'une complexité et d'une contradiction à pleurer. J'ai montré plus bas que cette initiative populaire n'était pas très loin du voeu de Rousseau. Si la démocratie représentative est devenue avec le temps beaucoup trop vieille pour survivre à elle-même, qu'elle doit être très vite rangée dans un placard à balais ou déposée dans un musée de la vie politique française, rappelons-nous que pour Benjamin Constant l’homme est une espèce historique qui construit son identité dans le temps et pour laquelle les époques qui se succèdent sont comme les différentes phases d’une seule et gigantesque existence, que le progrès des consciences ayant naturellement conduit les hommes vers la découverte de leur égalité, nulle puissance publique ne pourra dorénavant nier la liberté moderne qui guide le monde. Jusqu'ici, tout va bien.

Cependant, voilà qu'on prétend ces derniers temps que la participation citoyenne n'est plus assez suffisante. Par ailleurs, un vent de soupçon se lève, et des rumeurs courent qu'en étendant cette participation citoyenne au Référendum populaire, on court le risque majeur de permettre au peuple de s'emparer potentiellement de tout sujet, et de rendre ipso facto la souveraineté populaire totalement illimitée. Que celle-ci deviendra très vite un danger pour notre démocratie, car la tyrannie d'une majorité l'emportera nécessairement sur la raison.

Pour ces ennemis du R.I.C. donc, d'autres alternatives sont possibles. Parmi celles-ci, la démocratie délégative, qui permet de transférer sa voix à des délégués volontaires, avec la garantie de la reprendre à tout moment. On parle à ce propos de démocratie liquide. On désigne aussi la possibilité de référendums locaux. Ce qui montre que tous les chemins de traverse sont envisageables, pour ne pas affronter le R.I.C. est une situation inédite jusqu'ici. 


benjamin constant, gilets jaunes, Jean-Jacques Rousseau, RIC, Emmanuel Macron, Ce que je vois surtout naître dans ce conflit, c'est la vieille querelle entre Constant et Rousseau. Le premier ayant déclaré : " Lorsqu’on établit que la souveraineté du peuple est illimitée, on crée et l’on jette au hasard dans la société humaine un degré de pouvoir trop grand par lui-même, et qui est un mal, en quelques mains qu’on le place."

À croire qu'il faille se méfier du nombre !

Pour ma part, les ennemis du R.I.C. se trompent sur un point : la faille éducative contemporaine. Car le vrai paradoxe, aujourd'hui, relève plus d'une inégalité de connaissances qui amène le peuple désormais à en savoir plus que l'élite elle-même sur ce qu'il s'agit de faire pour améliorer la société et la gérer. C'est une situation inique dans l'histoire, je le concède, et, ce rapport de force inversé, place d'emblée le peuple en situation d'autorité, alors que l'élite se retrouve à présent en situation de minorité. Cette situation inédite est merveilleusement incarnée par un Emmanuel Macron, que l'on voit plutôt aujourd'hui en enfant, une sorte d'enfant roi hystérique et mal élevé, qu'incarnant une autorité légitime. Or, cette inversion des rapports de force invalide pour moi la thèse de Benjamin Constant, jusqu'ici juste, et ouvre la voie à celle de Rousseau, qui estimait que la volonté populaire n'avait pas à être représentée, et, que cette volonté était totalement souveraine, devait même le rester. Cette volonté populaire, qui est la volonté générale pour Rousseau, est arrivée à maturité, et, je ne crois pas que nous ayons besoin d'avoir peur du R.I.C. désormais, sauf à ne pas voir ce qui se passe réellement dans la société contemporaine...

Il est évident que cette lecture des nouveaux enjeux de société doit être discutée, et qu'elle devra être prolongée par d'autres lectures, et un approfondissement de ce qui a été dit ici ; mais cela sert, pour moi en tout cas, de pistes de départ... Donc ceci est très informel, disons que je pense à voix haute, comme d'habitude.

benjamin constant, gilets jaunes, Jean-Jacques Rousseau, RIC, Emmanuel Macron,

Détails sur Jean-Jacques Rousseau,
impression photo art original 

Commentaires

  • C'est exactement ça, de Rousseau au RIC. Cela signifie que la RF ne fut qu'une parenthèse et que Marx eut raison de voir dans la démocratie bourgeoise la confiscation du processus révolutionnaire par la bourgeoisie. Donc que nous sommes en train d'achevr le processus révolutionnaire commencée avant 1789. Et que nous allons vers la démocratie directe.

  • En Belgique, dans les soi-disant 'cantons de l'est' (i.e.Communauté Germanophone) il existe aussi déjà une tentative de démocratie participative.https://daardaar.be/rubriques/societe/communaute-germanophone-pionniere-de-democratie-participative/

  • Vu ce que le peuple reclame, plus de surveillance, de policiers, moins de liberté de penser, de croire, de se vêtir comme on l'entend, il est urgent et salutaire de ne pas demander de RIC.

  • Non, ce n'est pas cela que le peuple demande mais ce que l'on dit qu'il demande!

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