Jean-Baptiste Scherrer, la problématique des désirs
Quoi de plus normal, dans une société de la surconsommation, qu’un livre sur le désir ? Mais tâchons de préciser. De quel désir parle-t-on ? Bien entendu, du seul et unique désir qui préoccupe tout un chacun : le désir sexuel.
La position du clown, ou tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe sans jamais oser le demander. Dans un monde saturé par la vulgarité et l’obscénité de la pornographie généralisée, on peut tenté d’être reconnaissant au philosophe Jean-Baptiste Scherrer de chercher à remettre un peu d’ordre dans le chaos bruyant d’une civilisation qui se fait une idée de la sexualité très limitée : « une mécanique des organes génitaux ».
Le clown donc, veille. Car son privilège, en bon Socrate, est de ne rien comprendre à ce que tout le monde sait… ou croit savoir. Par exemple : qu’est-ce que la sexualité ? Excellente question pour une saine philosophie ! D’Aristophane à Freud, en passant par Rousseau, Mozart, Diderot, Foucault, Miller ou encore Spinoza, la question ontologique du sexe et du désir est dénouée renouée, passe au crible.
Il y a bien une chose qui parait vraie : « Dès qu’on aborde la question de la sexualité, tout le monde sait d’avance à quoi s’en tenir ». Et pourtant… A quoi cela aurait-il servi à Jean-Baptiste Scherrer, et à vous de le lire, si la question de la sexualité était si simple ?
En passant par les jeux du docteur, le S/M, les doudous, la sexualité du spectacle, le cliché Oedipien, ou encore l’amour du deuxième genre, ce court essai de 86 pages se veut une propédeutique ludique et intelligente, à l’attention des petits malins à qui on ne la fait pas. Pendant que certains se délectent des obscénités sur les murs des métros, dans les revues pornos ou dans les magazines, d’autres sont invités à se moquer de toutes ces acrobaties locales.
« Instructions au cuisinier Zen : Quand vous faites la cuisine, ne regardez pas les choses ordinaires d’un regard ordinaire, avec des sentiments et des pensées ordinaires. Avec cette feuille de légume que vous tournez dans vos doigts construisez une splendide demeure de bouddha et faites que cet infime grain de poussière proclame sa loi. »
Voilà que tout est dit : tâchons donc de revoir l’érotisme, le désir, l’amour, la sexualité sous un angle neuf. Tâchons de déconstruire tous les dogmes véhiculés par une société du spectacle aveugle et sourde, qui tente, au final de réduire la sexualité au domaine des organes sexuels car, l’auteur le dit tout net, « on soupçonne que la sexualité n’est pas visible. Mais on s’y refuse. (…) Pour se rassurer, on déplace, on concentre et fige le sexuel dans des images qui gravitent autour du pôle génital. Vidéo X : asile de l’angoisse. »
Pour cesser de regarder la sexualité par le petit bout de la lorgnette, l’auteur nous recommande de devenir baudelairien, ou peut-être de lire et relire ses 25 petits chapitres qui, en peu de mots, nous apprennent à appréhender notre désir et notre sexualité autrement.
Jean-Baptiste Scherrer, La position du clown, philosophie pratique des désirs, Anabet éditions, 88 pages, 2006.