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Relire Bourdieu

Flammarion publie en poche, dans la collection GF, un ouvrage consacré à Pierre Bourdieu, titre qui fait référence à un colloque qui se tint le 16 novembre 2002 à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, à Paris.

Pierre Bourdieu, Jean-Pierre Encrevé, Rose-Marie Lagrave, Pierre Vidal-Naquet, Jean-CLaude PasseronCet ouvrage, dirigé par Pierre Encrevé et Rose-Marie Lagrave, s’inscrit dans une lignée de colloques qui virent le jour après la mort du sociologue, et qui donnèrent matière à publication, notamment chez Fayard, Odile Jacob, ou encore Awal. L’originalité de ce travail est de réunir sous la bannière de la sociologie, dont Pierre Bourdieu était l’éminent représentant, un ensemble de chercheurs provenant de tout horizon : sociologues, historiens, anthropologues, linguistes, économistes… Ils ont en commun dans cet ouvrage, d’évoquer « les traces vives laissées par l’un des leurs », et leur travail s’en voit d’autant plus facilité qu’ils ont tous, semble-t-il, travaillé avec Bourdieu, ou du moins, l’ont-ils croisé ; seuls quelques-uns l’ont juste fréquenté dans ses oeuvres.

 

Ce livre s’organise autour de six grands chapitres. Des condisciples illustres, dont Pierre Vidal-Naquet ou Jean-Claude Passeron, évoquent la mort d’un ami, la disparition d’un penseur au travail, et au génie impressionnant, dont ils reconnaissent qu’il est un « éveilleur extraordinaire ».  Puis c’est au tour des cinq autres chapitres d’évoquer par des « entrées et des écritures plurielles », cette pensée rayonnante, « obstinée », et d’évoquer « la pertinence de ses outils intellectuels dans un univers de recherches contrastés ».

 

Anecdotes, portraits de groupe, relations à plaisanterie, discussions épistémologiques, les diverses contributions très hétérogènes de cet ouvrage sont un témoignage poignant de cette atmosphère qui régnait dans l’époque d’après-guerre, des manières de travailler d’une génération d’universitaires « rattrapés par la guerre d’Algérie ».

 

Toutes ces interventions s’ordonnant autour de cinq chapitres, cinq thèmes « comme autant de marqueurs de la pratique et de la théorie de Bourdieu ». Cinq grandes parties qui s’organisent autour de la réflexivité, des logiques de la pratique, des classements, de l’économie des biens symboliques, et de la forme de domination. 

 

Pierre Bourdieu, Jean-Pierre Encrevé, Rose-Marie Lagrave, Pierre Vidal-Naquet, Jean-CLaude Passeron

Pierre Bourdieu

 

On connaît Bourdieu pour l’aura qu’il eut sur la sociologie. Professeur au Collège de France jusqu’à la fin de sa vie, il ne faisait certes pas l’unanimité. On lui reprochait cette inflexible domination, et ce « contrôle qu’il exerçait, volontairement ou involontairement, sur les chercheurs et les doctorants qui travaillaient avec lui ». Sociologue dominant que l’on accuse également de trop parler de lui dans ses propres livres. Alors, qu’en est-il ?

 

Ces vingt-huit portraits en tout, sont autant de fragments d’une vie passée avec le penseur, autant de portraits originaux, qui revoient le travail de Bourdieu, son apport important à la discipline, cette capacité quasi-exemplaire d’incarner l’interdisciplinarité, de dominer intelligemment la sociologie.

 

Pierre Bourdieu, Jean-Pierre Encrevé, Rose-Marie Lagrave, Pierre Vidal-Naquet, Jean-CLaude Passeron

Pierre Bourdieu en 2000


« Travailler avec Bourdieu quand on est sociologue, c’est travailler sur cette tension, se demander ce que l’on peut faire avec, se défendre parfois contre elle –tout en sachant (…) qu’il avait en gros raison, mais que cette raison est difficile à regarder en face. »

 

Pierre Bourdieu, Jean-Pierre Encrevé, Rose-Marie Lagrave, Pierre Vidal-Naquet, Jean-CLaude PasseronDoit-on le préciser ? Cet ouvrage collectif a pour ambition de relire Bourdieu à la lecture de l’interdisciplinarité qui fut, toute sa vie, un réel cheval de bataille, pour ce philosophe, converti à la sociologie, afin de comprendre la guerre d’Algérie, intellectuel qui fut vite attaqué, débiné, qui « offrit leur cible préférée à des ligues hostiles d’autant plus acharnées qu’elles restaient tacites ».

 

On nous invite donc, par cet ouvrage à relire Bourdieu, le relire à la lumière d’une lecture fouillée, multipartite, humaine, afin de saisir combien « la pensée de Bourdieu est une pensée forte et fortement structurée, qui porte l’ambition de détenir un principe quasi-universel d’explication du fonctionnement du monde social et de le déployer dans la diversité de ses applications, jusqu’à couvrir en  fait pratiquement tout le champ des problèmes sociaux. »

 

Ce livre est donc intéressant à deux égards : d’abord, parce qu’il souligne combien ce fut difficile de travailler avec Bourdieu : devant l’entreprise du « maître », on avait une tendance presque mécanique, et souvent fâcheuse, à prendre une position de disciple ; ensuite, cet ouvrage collectif a le mérite de mettre parfaitement en lumière la grande question de l’usage des grands hommes, et de leur héritage. Comment pouvait-on travailler autrefois avec Bourdieu, comment aujourd’hui pourrons-nous travailler à distance avec ce qu’il nous a légué ?

 

Pierre Bourdieu, Jean-Pierre Encrevé, Rose-Marie Lagrave, Pierre Vidal-Naquet, Jean-CLaude Passeron
Stèle de la tombe de Pierre Bourdieu (1930-2002)
au cimetière du Père Lachaise à Paris


Sous la direction de Encrevé et Lagrave, Travailler avec Bourdieu, Champ-Flammarion, 2005.

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