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Michel Onfray est-il une imposture ?

Michel Onfray est surmédiatisé, surexposé, sur-représenté. Sur tous les fronts depuis dix ans, au point de déclencher des foudres de haine, comme le Contre Onfray, d’Alain Jugnon qui est un véritable procès à charge. Cette recension est parue dans le Grand Genève Magazine, numéro 7, d'avril 2016. Elle est désormais en accès libre dans l'Ouvroir.


Ce petit pamphlet, signé d’un philosophe amateur d’Artaud et de Debord et foncièrement antifasciste, déjà auteur de deux livres par le passé sur Michel Onfray, débute son texte ainsi : « Je tiens aujourd’hui que Michel Onfray n’est pas plus athée que ça. Je tiens par ailleurs qu’il n’est pas un penseur de gauche étant un écrivain de droite. » Alain Jugnon (philosophe d'extrême gauche dont la tolérance vis-à-vis des idées des autres n'est pas la qualité première, pour ce que j'en connais !) démarre très fort, pourtant, ces critiques ne datent pas d’hier. De plus, le thème de son livre se montre d’emblée ambitieux, et nous ne saurions le regretter, tant le sujet rabattu pourtant, n’a pas encore été épuisé à propos d’Onfray ; sur plusieurs pages, l’auteur de ce livre au vitriol propose  de démontrer que le philosophe des foules n’est rien de ce qu’il prétend être et, est au total, un imposteur qui fait passer depuis des années les vessies pour des lanternes. « Puritain hédonisant », « révolutionnaire dandysant », « banquier anarchisant », Onfray est affublé de toutes les accusations ad hominem, et l’on regrettera que l’auteur n’ait pas écrit un livre plus gros, ce qui lui aurait laissé tout le loisir de clairement démontrer de quelle imposture le philosophe médiatique se pare.

  couv_jugnon_contre_onfray_hd.jpgSur les plateaux de télévision et de radio, dans la presse Michel Onfray a une idée sur tout, il réagit par émotion parfois, et par-dessus tout, il semble bien armé pour parler de tout, car il a tout lu, du moins le dit-il. On ne peut donc reprocher à Alain Jugnon d’être trop méchant avec Michel Onfray, mais on peut aussi regretter qu’il n’arrive jamais à démontrer toutes ses attaques, au point qu’on peut contre celles-ci, opposer tout le contraire, et je trouve cela regrettable. Ce pamphlet, disons-le, vomit toute l’œuvre du philosophe, notamment le dernier, Cosmos. Il est vrai que le philosophe pisse de la copie. Que son anarchisme jovial et débridé est surtout une charge haineuse contre la bourgeoisie française et contre la « supposée » pensée unique en philosophie qui n’existe que dans la tête d’Onfray lui-même. Une haine farouche portée contre le monde et la vie, qui fait d’Onfray un nihiliste plus qu’un anarchiste, je l’accorde volontiers à Alain Jugnon. Il néglige cependant le post-réactionnaire et émancipateur en action qu’était, dans ses débuts, le philosophe hédoniste.


Certes, l’auteur de cette charge souligne l’intention de départ : fonder un nietzschéisme de gauche et une grande politique, ce qu’il salue sans conteste. Mais c’est pour mieux reprocher au penseur, la trahison de ses idéaux, par une haine trop grande de la vie et du monde. Et ainsi souligner son ressentiment, et son mépris des hommes. Peut-être que cela explique les livres plein de fiels, à charge, contre Freud, Sartre, la morale de Kant, etc., mais c’est aussi une conception bien subjective de l’œuvre elle-même.


En lisant ce livre, il faut donc se méfier des partis-pris d’Alain Jugnon, de ses attaque ad hominem, de sa tentation de droitiser la pensée de Onfray, d’autant que cette dernière tentation est au goût du jour. C’est un livre à lire avec précaution. Un livre qui veut rendre à la philosophie, sa juste place, non pas un remède contre le monde et les hommes, mais un moyen de renouer avec la vie car la philosophie est la vie elle-même. Onfray destructeur, Onfray narcisse malade, en perpétuelle recherche de glorification de ses blessures, et de sa trajectoire de traumatisé, Onfray anti-nietzschéen malade de sa maladie de vivre, contre-philosophe et contre-révolutionnaire. On peut lire le livre au vitriol d’Alain Jugnon et se faire son idée. On peut aussi ne pas le lire, et l’on ne s’en portera pas plus mal. Mais enfin, si tel le prétend l’auteur de ce livre, Onfray est une offense à la pensée, car il ne pense pas, ou trop mal, du moins fait-il beaucoup écrire. Ce qui montre qu’au moins il prête à penser…

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Alain Jugnon

 

Alain Jugnon, Contre Onfray, Editions Ligne, Janvier 2015.

(Paru dans le Grand Genève Magazine, n°7, avril 2016.)

 

Commentaires

  • Pensée, contre-pensée, on fraie son chemin comme on peut, sur la pensée d'Onfray.
    Merci Marc :-)

  • une remarque simplement : je n'ai pas lu le livre de Jugnon, mais votre commentaire souligne un travers actuel qui m'irrite au plus haut point. Nous sommes au temps des procureurs ; où est le temps de la critique, de l'analyse, de la réfutation?

    Cordialement

  • Je trouve très intéressant le vôtre, en ce qu'il ne démontre pas que vous faite vous même ce que vous demandez pourtant aux autres de faire... En attendant donc la démonstration magistrale de "la critique, de l'analyse, de la réfutation"...
    Mon commentaire, si c'est de lui dont vous parlez, est très synthétiquement critique du fait que beaucoup se font leur réputation sur une critique de Onfray, comme les coucous font leur nid dans ceux d'autres oiseaux. C'est en fait une observation de ma part, basée sur l'analyse du propos de Marc... Vous ne serez donc pas fâché, non plus, que je réfute votre manque évident de recul, manifestement lié à cette subjectivité, en ce qui peut vous "irriter au plus haut point"... il en faut peu, manifestement !
    Détendez vous, c'est l'été !
    Merci de votre compréhension.

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