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Entretien avec Thomas Sertillanges. Edmond Rostand par Sarah Bernhardt

Sarah Bernhardt (1844-1923) n’était pas seulement comédienne, elle était aussi peintre et sculptrice. Elle a d’ailleurs sculpté le buste d’Edmond Rostand (1868-1918), qui a depuis disparu. Thomas Sertillanges, spécialiste du dramaturge et poète français, s’est mis en tête de le retrouver. S’en suit un très long voyage qu’il raconte dans un livre À la recherche du buste perdu d'Edmond Rostand sculpté par Sarah Bernhardt (et autres représentations du poète) chez Le Sémaphore (2023). Il inaugurera, sous le haut patronage de l’Académie française, et en présence d’Anne Hidalgo, le buste d’Edmond Rostand, qui sera la réplique de celui sculpté par Sarah Bernhardt, une œuvre de Patrick Berthaud, le mercredi 28 juin 2023, à la place du Général Catroux, dans le XVIIe.

A-la-recherche-du-buste-perdu-d-Edmond-Rostand.jpegMarc Alpozzo : Vous faites paraître un livre À la recherche du buste perdu d'Edmond Rostand sculpté par Sarah Bernhardt (et autres représentations du poète) chez Le Sémaphore (2023). C’est l’histoire du buste d’Edmond Rostand sculpté par Sarah Bernhard qui n’était pas seulement une admirable comédienne, mais aussi une peintre et une sculptrice. C’est probablement en 1910 qu’elle réalise un buste de son auteur fétiche. Mais il disparaît après avoir été officiellement présenté dans le théâtre de la grande artiste dix ans plus tard. Alors pourquoi vouloir nous raconter cette histoire rocambolesque ?

 

Thomas Sertillanges : Lorsque j’ai découvert la photo de Sarah Bernhardt posant avec le buste d’Edmond Rostand, je me suis naturellement demandé où il était ! J’ai entamé des recherches, dans les musées, les bases de données, la presse de l’époque, les spécialistes de Sarah Bernhardt et d’Edmond Rostand. Impossible de le retrouver. Il n’y a que deux options : soit il est installé sur la cheminée d’un particulier, ou dans son grenier et son heureux propriétaire ignore le trésor qu’il possède - ou ne veut pas que ça se sache, soit il a été détruit. L’usure du temps pour l’épreuve en argile, une chute en mille morceaux pour la version plâtre…

 

À défaut donc de le retrouver, je me suis donc mis face à deux défis : le premier constituant à le réinventer, et à trouver les financements pour cela, le second à convaincre la mairie de Paris de l’accueillir sur une place de la capitale, Paris n’ayant encore, jusqu’à ce jour, jamais rendu hommage à Edmond Rostand.

 

M. A. : Vous êtes un spécialiste reconnu du monde rostandien, fondateur du Festival Edmond Rostand et président des Amis du musée Cyrano de Bergerac. Vous êtes également conférencier et collectionneur, et vous avez déjà publié une biographie illustrée d’Edmond Rostand. Qu’est-ce que celle-ci apporte de plus ?

 

T. S. : Le travail d’un biographe s’inscrit dans la lignée de ses prédécesseurs où il puise déjà nombre d’informations qu’il lui appartient, autant que faire se peut, de vérifier. J’ai ainsi pu percer quelques mystères ! Il a aussi d’autres sources, telles que la presse d’époque et les correspondances. L’originalité de ma biographie, « Edmond Rostand, les couleurs du panache » est triple. La première est que je suis remonté aux sources de la famille, jusqu’aux années 1600 pour décrire toute la généalogie d’Edmond, ainsi que sa descendance, limitée à deux fils et à un petit-fils. La seconde est que je t’ai tenu à raconter la vie et à décrire l’œuvre d’Edmond Rostand en ne privilégiant pas les pans les plus connus de son histoire, comme Cyrano de Bergerac. Au contraire, j’ai accordé autant de place à des œuvres méconnues ou moins connues afin de présenter le poète de la manière la plus exhaustive possible. La troisième enfin est que cette biographie est illustrée par près de cinq cents documents. C’est la première du genre. À tel point que l’ouvrage dépasse les six cents pages et pèse deux kilos ! Une nouvelle édition est prévue à la rentrée avec le texte seul pour en faciliter la lecture.

                                                                                                                                  

M. A. : Vous proposez une promenade illustrée qui passe de Marseille à Paris, de Luchon à Cambo-les-Bains, par les Pays-Bas. Pourquoi ce voyage ?

 

T. S. : J’ai toujours aimé les statues et les monuments, j’aime les regarder dans la rue, m’en approcher pour en lire l’histoire. Pour ma collection sur Cyrano de Bergerac, j’ai toujours recherché des statues ou buste du héros. J’aime la troisième dimension que donnent ces œuvres d’art. Lorsqu’en 2012, j’ai découvert que la tombe d’Edmond Rostand était abandonnée au cimetière Saint-Pierre de Marseille, j’ai aussitôt entrepris sa réhabilitation à travers mon association et nous l’avons inauguré une nouvelle fois en 2017. Il en est de même pour son buste à Luchon, dont le nez et les moustaches étaient cassés. En 2022, pour le 100e anniversaire de l’installation de ce monument, nous l’avons aussi rénové, en partenariat avec une association luchonnaise, Luchon d’Antan.

 

Après ma recherche du buste créé par Sarah Bernhardt, je me suis donc mis en quête de toutes les représentations d’Edmond Rostand dans l’espace public. Et c’est ainsi qu’est né « À la recherche du buste perdu d'Edmond Rostand sculpté par Sarah Bernhardt (et autres représentations du poète).

 

M. A. : Vous racontez l'histoire de cette effigie en vous appuyant sur des photos d'époque. Mais depuis, on retrouve la figure et le nom d'Edmond Rostand sous différentes formes dans l'espace public, notamment sous la forme de statues ou de bustes, ce qui fait que l’on connait bien le visage de cet écrivain aux multiples personnages, dont le plus célèbre reste certainement Cyrano en tête. Le 28 juin, vous inaugurez d’ailleurs une réplique du buste d’Edmond de Rostand sculpté par Sarah Bernhardt, dans le 17e. Qu’est-ce qui a fait que ce grand dramaturge et poète est resté ainsi dans la postérité ?

 

T. S. : J’aimerais qu’Edmond Rostand soit bien plus présent dans l’espace public ! Jusqu’à aujourd’hui, seuls trois monuments l’honoraient : à Marseille, sa ville natale, à Luchon où il a passé ses vingt-deux premiers étés et où il a commencé à écrire, à Cambo-le-Bains où il a fait construire sa célèbre maison, Arnaga. Maintenant, il est aussi honoré à Paris, et je confesse être fier d’être à l’origine de cet hommage que notre capitale lui rend enfin, aujourd’hui !

 

Toujours dans l’espace public, si l’on s’arrête sur les noms des rues, des avenues, des boulevards et des places dans nos 36 000 communes françaises, le nom d’Edmond Rostand apparaît 224 fois. Il est au 162e rang des personnalités toutes catégories confondues (politiques, militaires, sciences, arts, littérature…) Victor Hugo, lui, est au 3e rang.

 

Je ne suis malheureusement pas sûr qu’Edmond Rostand soit passé vraiment à la postérité - même si toute mon action vise à le promouvoir, avec les moyens qui sont les miens, en m’appuyant aussi sur les conférences et les expositions.

 

Cyrano, lui, est vraiment passé à la postérité. Il est connu et aimé dans le monde entier, le nom de son auteur beaucoup moins. Mais cet immense succès qui ne se dément pas, plus d’un siècle après sa création, est l’arbre immense qui cache la forêt rostandienne, où l’on trouve et son théâtre, et sa poésie, aujourd’hui très méconnue, voire oubliée.

 

C’est pourquoi je ne peux qu’encourager vos lecteurs à re-découvrir l’œuvre d’Edmond Rostand. Je sais bien que le lecteur traditionnel est peu habitué à lire du théâtre, qui plus est en alexandrins. Cela demande un effort, mais celui-ci est récompensé, je vous l’assure. Je recommande de commencer par Chantecler. C’est une pièce qui se lit comme un poème, c’est magnifique !

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