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La police est-elle violente ? (Théorie de Max Weber)

L’actualité récente et sanglante a déclenché des protestations de haine à l’endroit des policiers, alors qu’une voiture transportant quatre jeunes adultes, interceptée par les forces de l’ordre, a refusé d’obtempérer. Le jeune garçon au volant, était alcoolisé, drogué, sans permis et récidiviste en cavale. Cette tribune est parue dans le site du mensuel Entreprendre. Elle est désormais en accès libre dans l'Ouvroir.

L’actualité récente et sanglante, a déclenché des protestations de haine à l’endroit des policiers, alors qu’une voiture transportant quatre jeunes adultes, interceptée par les forces de l’ordre, a refusé d’obtempérer. Le jeune garçon au volant, était alcoolisé, drogué, sans permis, et récidiviste en cavale. Les policiers ont tiré sur la voiture, dans des circonstances qui restent à éclairer, et, par malheur, la jeune fille de 21 ans, assise sur le siège passager, est décédée[1]. Aussitôt, Mélenchon s’est fendu d’un tweet ignoble, accusant les policiers de tuer pour un simple « refus d’obtempérer ». Puis, il récidive : « Si nous étions anti-flic, il n’y aurait pas de candidats policiers dans la NUPES. Mais oui, il y a un problème avec la doctrine de maintien de l’ordre. Cette femme de 21 ans méritait de mourir ? » (Tweet du 9 juin 2022).

 

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Tweet de Mélenchon au lendemain de la mort de la jeune fille

 

Quid des « violences policières » ? Quid de la violence légitime de l’État ? La nouvelle gauche antirépublicaine, conduite par Jean-Luc Mélenchon, remet en cause ce fondement philosophique garantissant l’ordre et la concorde au sein d’un État, que l’on pourrait résumer par cette phrase de Trotski à Brest-Litovsk : « Tout État est fondé sur la force. » Cette idée, inspirée par un pessimisme proche de celui de Hobbes, et qui veut que l’homme soit un loup pour l’homme, est largement remise en cause désormais, par un autre courant de pensée, plutôt rousseauiste celui-là, qui prétend que l’homme serait bon naturellement, mais corrompu par la forme actuelle de la société. Doit-on rajouter, société policière, blanche, patriarcale et raciste systémique ? C’est en tout cas, ce que veulent nous faire croire les tenants de l’extrême-gauche, comme Jean-Luc Mélenchon, ou encore Philippe Poutou.

 

Max Weber, qui était un économiste et sociologue allemand originellement formé en droit, et mort en 1920, a parfaitement théorisé, dans le Savant et le Politique (1919), le meilleur système politique possible, en définissant ce qui est le propre de la spécificité de l’action de l’État par rapport à toute autre institution. Il en déduit la conclusion suivante : l’État agit par la violence légitime. Entendez donc : l’État revendique le monopole de la violence physique légitime. Cette violence qui fait de l’État, un instrument de domination de l’homme sur l’homme, n’est pourtant pas tyrannique (ce que feint de ne pas comprendre Mélenchon), puisqu’elle est fondée en droit. Si cela parait limpide pour quelques esprits ronchons comme moi, c’est du moins ce que la gauche d’aujourd’hui entend remettre en cause. Pris d’un certain déni, ou d’un idéal de l’homme, celle-ci n’admet plus que, l’obéissance impliquant ce monopole, n’est pas une oppression, mais plutôt un devoir.

 

Vivant dans je ne sais quel monde parallèle, la gauche de Mélenchon, refuse désormais d’admettre que les citoyens sont dangereux les uns pour les autres, et que c’est précisément pour cela que l’on a créé une police armée, dans le seul but de les empêcher de se tuer les uns et les autres. Pourquoi ? Parce que l’objectif premier de toute politique est de faire vivre les hommes en paix et de les empêcher de se nuire. C’est pour cela que l’État, et l’État seul, détient ce pouvoir légitime de la violence. C’est pour éviter que les hommes s’entre-tuent. Mélenchon ne l’entend pourtant pas comme cela !

 

Dans l’affaire de la voiture refusant d’obtempérer, on dit que les policiers ont tiré parce qu’ils se sentaient en danger, conformément à un article de loi qui date de 2017, article de loi qui a fait évoluer l'usage des armes à feu par les policiers. Concrètement, l'article L435-1 du code de la sécurité intérieure aligne les conditions d'usage des armes à feu des policiers sur celles des gendarmes. Les policiers ont donc le droit désormais, d'utiliser leur arme de service dans les mêmes conditions que les gendarmes, notamment lors de refus d'obtempérer. Aussi, l'utilisation de cette arme peut relever dans certains cas, d'une appréciation subjective de la mise en danger. Samedi 11 juin 2022, des manifestants[2] ont demandé le retrait de cet article de loi, formulant le vœu au passage, qu’un flic ne puisse plus se défendre en cas de danger pour sa vie, ou celle d’un tiers. Ces manifestants veulent donc, qu’un policier, risquant sa vie pour sauver la leur, soit la cible de toute forme d’agression, sans aucun moyen légal de se défendre, le livrant ainsi à la vindicte de n’importe quel individu dangereux. C’est l’aboutissement de cette société aux valeurs inversées : ambiance fête foraine, tout le monde tire sur tout le monde, sauf la police, désarmée par les bons soins de la gauche.

 

Dans son ouvrage Démocratie et totalitarisme, datant de 1965, Raymond Aron montre que, si l’État a le droit d’user de la force, c’est dans le seul but d’empêcher un déchainement de violence au sein du groupe. Or, quid de cette voiture conduite par un garçon sans permis, alcoolisé et drogué qui refuse de s’arrêter à un contrôle de police ? N’était-il pas un danger manifeste pour les autres ? Quid d’une autre situation, relevant celle-là d’une faiblesse de la part de la police, qui ne pouvant arrêter le chauffard et voyou par les armes, l’aurait laissé filer, provoquant ainsi la mort d’une ou plusieurs personnes embouties par ce véhicule fou ? Qu’aurait-on dit à ce moment-là ? Si personne d’autre n’a le droit d’employer la force physique au sein de la collectivité, réserver le droit de la violence légitime à l’État, rajoute le philosophe, et sociologue Raymond Aron, peut être vu comme une conquête de la civilisation politique.

 

Alors, bien sûr, le monopole de la violence n’étant pas une fin en soi, on peut tout à fait imaginer la concorde et la paix civile, sous une autre forme d’achèvement de la conquête de la civilisation politique. Raymond Aron prend l’exemple de la police anglaise. Sachant que la police symbolise l’usage de la violence légitime, dans une société policée, celle-ci n’a même plus besoin d’user de la force pour assurer la pacification des citoyens. Elle peut même être désarmée.

 

En France, où les violences à la personne explosent, où les incivilités sont de plus en plus nombreuses, où l’insécurité est grandissante, reconnaissons au moins que cet achèvement de la conquête de la civilisation politique d’une France à la police désarmée, est encore loin de nous, hélas.

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[1] Rayana, passagère de 21 ans tuée samedi 4 juin 2022, à Paris par des tirs de policiers sur une voiture dont le conducteur est soupçonné d'avoir foncé sur eux.

[2] Un rassemblement a eu lieu samedi dès 13h, place de la République, à Paris.

Commentaires

  • Max Weber expose un vue réductrice de la société. Par délégation du peuple, l'Etat, dans sa globalité, se voit confier le monopole de la "contrainte légitime". Cette dernière se traduit par la capacité des tribunaux à juger, condamner et incarcérer, aux Finances publics de contrôler et prélever d'autorité des taxes et impôts, aux administrations de réglementer (au travers de divers codes : de la route, de la santé...)... La "violence légitime" n'est que la déclinaison de cette prérogative de "contrainte légitime". Elle n'en est qu'un déclinaison possible mais non obligatoire ni systématique et encore moins systémique.

  • Dans forces de l'ordre, il y a force.
    La Police peut et doit utiliser la force. Cela peut être violent, il peut y avoir des morts et des blessés.
    Donc la police tue, et c'est une conséquence de sa fonction, même si ce n'est pas un objectif.
    Il faut aussi rappeler que la police tue et blesse bien moins que les criminels et délinquants, et qu'elle tue et blesse rarement des citoyens respectueux de la loi.

  • Il ne faudrait non plus nous demander de pleurer sur des délinquants qui ont la bêtise et l’outrecuidance de se croire des victimes.

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