Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Wes Craven : La vie éternelle ?

Doit-on présenter Wes Craven ? Cinéaste culte, sa créature, Freddy, fait déjà partie des personnages de cinéma les plus célèbres. Spécialiste du fantastique gore, Wes Craven est surtout attendu pour ses films « malsains », « monstrueux », « ignobles » qui parfois déchaînent les critiques. C’est pourtant sur un autre terrain qu’on peut aujourd’hui le découvrir. Celui du roman SF. Cette recension est parue dans Boojum. La voici désormais en accès libre dans l'Ouvroir.

craven.jpegAvec Foutain society, premier roman paru aux Etats-Unis en 1999, et en France dans la collection J’ai lu, en 2005, Wes Craven noue avec un tout nouveau genre qui semble déjà bien l’aimer. La science-fiction.

 

Le pitch : Peter Jance est un mort en sursis. Atteint d’un terrible cancer qui va bientôt le terrasser, il lui faut trouver une parade pour éviter cette extinction définitive, car brillant spécialiste en armements, il est sur le point de parachever une invention au devenir capital. Comment faire ? Apparemment, Peter Jance n’a qu’un seul recours : le Docteur Frederick Wolfe, une sommité de la recherche en génétique, qui pourrait lui transplanter son cerveau dans un jeune corps en excellente condition physique. Peter Jance peut-il accepter un projet si fou ? Il le fait sans cas de conscience. Mais il ne sait rien de ce corps ? D’où vient-il ? À qui appartenait-il ? La question éthique et déontologique est naturellement soulevée par un canevas si convenu. D’autant que, suite à l'opération qui est un formidable succès, Peter Jance est bientôt assailli de souvenirs qui ne sont pas les siens. C’est son épouse, Béatrice Jance, qui s’entête à mener son enquête, jusqu’à jeter la lumière sur un sombre mystère, accablant l’ignoble Docteur Wolfe, sorte de Frankenstein des temps modernes…

 

La question qui est posée par ce roman de science-fiction n’est pas neuve. C’est la question de l'immortalité : récurrente dans la littérature de science-fiction, elle est ici développée à partir de la question de la greffe de cerveau, opération encore impossible de nos jours, qui trouve une résonance dans les thèmes de la bioéthique, de la génétique, du clonage, de la politique et de la morale.

 

Peter Jance à mesure qu’avance l’histoire va se sentir différent, dans ce nouveau corps. Comme dans beaucoup de romans de SF traitant de la question, il va ressentir les difficultés incontrôlables à se saisir comme une seule et même personne. Cette grande difficulté que pose la réalité artificielle. L’importante question étant évidemment : le réel peut-il être multiple ? L'homme peut-il être décuplé ? Quel avenir a l'immortalité synthétique ? Le professeur de philosophie que fut Wes Craven de 1964 à 1968 n’est pas loin. Car bien sûr, le questionnement qui se pose en filigrane est d’ordre philosophique.

 

Comme premier essai, on peut d’ores et déjà le dire, le roman de Wes Craven est une belle réussite. Maniant les changements de point de vue entre les différents personnages, les descriptions des héros ne manquent pas de consistance. Ils sont humains. On les suit dans leur histoire, avec un attachement certain. Le docteur Wolfe est par exemple la parfaite incarnation du scientifique aliéné à la reconnaissance de son travail scientifique, au plus grand mépris des autres. Peter, incarcéré dans ce nouveau corps, et dans cet homme, qui soudain prend conscience de ses anciens actes.

 

Fountain society est ainsi un roman à rebondissements, et à thèses. Dressant une critique sans concession des effets pervers de la science et des nouvelles technologies, ce roman de SF est l’histoire d’une prouesse technique et scientifique qui pourrait un jour avoir réellement lieu. Wes Craven, en philosophe, inquiet que l’humanité se détourne un peu trop facilement de l’éthique et de la déontologie, tire le signal d’alarme. S’il faut en effet se faire comme maître et possesseur de la nature, il serait toutefois bon, de ne pas oublier, qu’à vouloir faire l’ange, on fait bien souvent la bête.

 

Un sujet certes pas très original, déjà développé par Mary Shelley, Greg Egan et beaucoup d’autres, Fountain Society reste néanmoins une belle découverte. L’adaptation au cinéma par Wes Craven lui-même est semble-t-il pour bientôt.  

 

Wes Craven, Foutain society, Editions J’ai lu, 2005.

Les commentaires sont fermés.