Entretien avec Daniel Salvatore Schiffer. Comment repenser un humanisme pour les temps présents ?
Un livre important sort ces jours-ci. Le titre est le suivant : L'humain au centre du monde. Pour un humanisme des temps présents et à venir. Ce collectif, dirigé par Daniel Salvatore Schiffer autour de 33 intellectuels majeurs, paraîtra ce 7 mars 2024 aux Éditions du Cerf. C’était donc l’occasion de rencontrer le directeur de ce collectif pour discuter de ce livre. Cet entretien est paru dans le site du magazine Entreprendre.
Marc Alpozzo : Cher Daniel, ce nouveau collectif L’humain au centre du monde (Editions du Cerf, 2024) s’inscrit dans un triptyque qui a débuté avec Penser Salman Rushdie (Éditions de l’Aube, 2022) et Repenser le rôle de l’intellectuel (Éditions de l’Aube, 2023). Quel est l’objectif de cette série ?
Daniel Salvatore Schiffer : Merci de me recevoir, cher Marc. Je ne sais pas si ce troisième opus sera le dernier. Nous verrons bien. Cela dit, je n’ai pas attendu l’attentat d’août 2022 pour m’intéresser à Rushdie. J’ai été éditeur en Italie, dans les années 1980, je publiais 100 livres par an. J’étais directeur d’une importante maison d’édition. J’ai donc approché l’œuvre de Rushdie à l’époque. Il faut savoir que son traducteur italien a été assassiné. J’ai habité 10 ans à Milan, puisque je suis italien de passeport, par mon père, quoique, par ma mère, de culture française. Tout ça pour vous dire que Rushdie, je le fréquente depuis toujours pratiquement, autrement dit, depuis que j’étais éditeur dans les années 1980, à Milan, là où a été assassiné son traducteur. Il se fait, donc, que je me suis toujours intéressé à son discours, pas seulement ses Versets sataniques, mais à sa réflexion critique par rapport aux fondamentalismes : chrétien, catholique, protestant, juif, islamiste, athée, bref, tous les fondamentalismes et tous les intégrismes. Et donc, Rushdie m’a toujours paru, comme d’autres écrivains, tel un phare, un paradigme de la réflexion critique par rapport aux nouveaux obscurantismes. Donc, lorsqu’il y a eu l’attentat, en août 2022, à New York, le jour même, j’ai pris ma plus belle plume pour écrire un texte en défense de l’écrivain. Sur cette lancée, comme je me suis toujours intéressé à la pensée dissidente, je me suis dit, qu’il fallait faire appel à mes amis intellectuels pour écrire un livre en défense de Rushdie. Le livre est sorti avec 26 intellectuels. Mais rapidement, je me suis dit qu’il fallait élargir le sujet. Puisqu’au-delà du cas spécifique de Rushdie, je pensais qu’il fallait reconsidérer la figure de l’intellectuel engagé. Ce qu’est Rushdie. Certes, il n’est pas que cela, mais il est aussi cela. On peut donc dire que c’est la continuité du premier, mais ouvert sur la figure de l’intellectuel en général. C’est ainsi que l’on a fait Repenser le rôle de l’intellectuel, et là, nous étions 23 auteurs, dont des noms très importants. Cependant, ce n’était pas encore suffisant. Il fallait élargir encore. Car, l’intellectuel, pour reprendre le mot de Foucault, est une figure spécifique, très franco-française. Sartre, Camus, Aron, etc. Aron est par exemple un maître pour moi. L’opium des intellectuels (1955) est un livre phare, avec un autre, Julien Benda, La trahison des clercs (1927). Or, j’avais bien conscience qu’il fallait repenser la figure de l’intellectuel à l’heure où la figure de l’intellectuel est en partie discréditée. Parce qu’il s’est acoquiné à différents courants de pensée, différents systèmes politiques, parfois totalitaires, de gauche comme de droite. On peut aussi bien critiquer Aragon ou Breton par leurs accointances avec le système communiste stalinien. Certes, ils demeurent d’immenses poètes, mais il y a toutefois tous ces fourvoiements. Sartre s’est lourdement trompé, souvent. À l’extrême droite aussi, Heidegger, qui reste le plus grand philosophe du XXe siècle. Pourtant, il se fait nommer par Hitler recteur de l’université de Fribourg. Il est également celui qui évacue son maître Edmund Husserl. C’est ainsi que je me suis dit qu’il fallait essayer de redéfinir la figure de l’intellectuel sans qu’il ne retombe dans ses travers, ses dérives idéologiques, qu’elles soient d’extrême gauche ou d’extrême droite. Ce que j’appelle l’intellectuel critique, au sens où Raymond Aron l’appelait de ses vœux. J’avais suffisamment écrit, seul, sur l’histoire des intellectuels, je voulais faire un livre choral, pluriel, toutes tendances idéologiques et politiques confondues pour être dans un vrai débat. Inutile de se limiter à des seuls penseurs de gauche ou de droite. Ce qui est important c’est la pensée critique, cohérente.
C’est très intéressant ce que vous dites. Est-il encore possible, dans une époque où les débats se polarisent, les discussions deviennent de plus en plus agressives, tendues ? Peut-on encore trouver une place pour le débat critique et le respect de son adversaire ? Ce que les Grecs appelaient la philia.
C’est en effet ce que nous essayons de faire dans ces trois ouvrages collectifs. C’est là, précisément, notre pari, notre défi. C’est en tout cas le mien, avec mes amis intellectuels. Vous avez participé au précédent ouvrage, aujourd’hui celui-ci, et vous avez pu remarquer qu’il n’y avait eu, de ma part, aucune intervention, aucune indication a priori, aucune censure. Tous ont été libres d’écrire ce qu’ils voulaient, à partir du moment où l’on ne tombait ni dans l’injure ni dans la caricature, mais comme ce sont des gens intelligents, bien sûr, je ne prenais pas ce risque. Ce sont des textes de qualité, de grande réflexion critique, et c’est précisément ce qui m’intéressait : le débat ! Je reprends souvent cette phrase apocryphe de Voltaire : « Je ne suis pas d’accord avec vous, mais je me battrais pour que vous puissiez le dire ». Et donc, c’est précisément là ce qui m’intéressait. Le débat critique, pluriel, le livre choral. Et moi, je suis au service de la pensée critique, ne faisant que réunir des textes de qualité, sans intervenir dans le contenu, même si je ne suis pas toujours d’accord. Cependant, un auteur intelligent, cultivé, ouvert, a le droit d’écrire ce qu’il souhaite, pour autant que ce soit rationnel, intelligent, documenté, raisonné, etc. C’était cela le projet. Donc, on est parti de l’intellectuel Rushdie, puis on a élargi sur la figure de l’intellectuel en général, et maintenant, on élargit sur la figure de l’humaniste. Car, pour moi, l’ancêtre de l’intellectuel, son précurseur, au sens où nous l’entendons, vous et moi, il est à chercher chez les grands humanistes. Je pense à Thomas More, qui en est mort sur l’échafaud, je pense à Érasme de Rotterdam, à Montaigne, à La Boétie, à Pic de la Mirandole, Giordano Bruno, Thomas de Campanelle, Léonard de Vinci, etc. Cette figure de l’humaniste est la figure idéale, paradigmatique, de ce que nous appelons, nous, depuis le début du XXe siècle, dans notre déformation franco-française, l’intellectuel. Elle est déjà chez l’humaniste. Sans compter l’héritage des Lumières. Il est à noter, que l’on ne peut pas comprendre le rôle de l’intellectuel aujourd’hui, sans se référer à ce double paramètre, qui est d’une part l’humaniste, au sens où je viens de le définir, à savoir l’honnête homme du XVIe siècle, mais aussi la figure des Lumières, Voltaire, Diderot, d’Alembert, Montesquieu, Rousseau, Condorcet, etc. Je pense que c’est cela le véritable héritage de ce que nous appelons l’intellectuel aujourd’hui. Je suis convaincu que les précurseurs sont dans l’humanisme italien, mais aussi les Lumières européennes. Nous avons tort de les réduire à la seule France. Il ne fait pas oublier qu’avant il y a eu Kant, l’Aufklärung allemand, Lessing, Wolf, Schelling, jusqu’à Hegel et le romantisme. Et avant cela, l’humaniste au sens de l’humaniste du XVIe siècle. J’ajouterai enfin, qu’entre celui du XVIe et la figure du XVIIIe, il y a, au XVIIe, un courant de pensée qui est le libertinage érudit, avec des gens que l’on lit très peu aujourd’hui. Mais, c’est à mon avis, la charnière entre l’humaniste du XVIe et les humanistes du XVIIIe, comme Pierre Gassendi, La Mothe Le Vayer, Cyrano de Bergerac, Théophile de Viau, Pierre Charron, Vanini, etc.
Vous avez parlé de Sartre, de Foucault. On pourrait rajouter Deleuze. Ils campent la figure de l’intellectuel de gauche. Vous avez également cité Aron, Benda qui sont des intellectuels de droite. Deux types d’intellectuels, deux engagements différents. Vous êtes d’accord pour dire qu’ils sont tous des intellectuels engagés ?
Alors, oui, vous avez parfaitement raison. Mais à la différence de Raymond Aron, pour qui l’intellectuel c’est le spectateur engagé, Sartre est surtout un militant. Or, je n’aime pas le militantisme. Certes, c’est un peu facile de le dire ainsi. Mais je m’explique : le militantisme me dérange, car pour moi, c’est une fermeture. C’est une pensée étriquée qui n’envisage qu’un seul point de vue et veut à tout prix l’imposer à autrui. Or, comme je le mentionne dans la conclusion de notre livre, je suis pour une pensée ouverte, éclectique, libre et non-partisane. Non-dogmatique. Non-militante. Mais au contraire, nourrie par l’art, par la musique, par la poésie. Nourrie par l’humanisme. Bref : une figure polyvalente, kaléidoscopique, prismatique. Voyez-vous, la différence entre Aron et Sartre, à mon sens, se situe ici. Le premier n’est pas un militant, le second l’est. C’est précisément Camus, la figure de l’humaniste au XXe siècle. Il se situe entre les deux.
Albert Camus qui est rejeté par Sartre, mais aussi par toute la gauche de l’époque. Vous me permettez désormais de faire le lien entre la précédente question et la suivante : réhabiliter aujourd’hui l’humanisme, c’est précisément le réhabiliter contre les obscurantismes. Ayant eu la chance de lire notre livre sur épreuves, j’ai eu le sentiment que beaucoup d’intervenants ont fait de très beaux papiers pour dénoncer les nouvelles idéologies, ce militantisme comme vous le dénoncez, de l’époque comme le wokisme, le néoféminisme, l’indigénisme, le transhumanisme, l’intelligence artificielle, et aussi l’antisémitisme qui gangrène notre société. En lisant notre livre, j’ai pris conscience qu’il devenait difficile de penser l’humanisme aujourd’hui. Que les dangers étaient partout. Que l’humanisme pouvait ne jamais renaître de ses cendres. Que la barbarie l’emportait sur les humanités de jadis. Et, je termine cette question, en citant particulièrement deux textes : un poème de l’immense écrivain Tahar Ben Jelloun, mais aussi cette lettre que votre ami, l’avocat, éditeur et écrivain, Jean-Claude Zylberstein, vous adresse au lendemain des attaques du 7 octobre en Israël. Tous deux ont des mots presque désespérés à propos de l’homme, mais aussi de l’humanisme.
Vous mettez le doigt sur un point que je trouve à la fois important et auquel je tiens beaucoup. Parce que vous avez cité Tahar Ben Jelloun et Jean-Claude Zylberstein, et vous avez eu parfaitement raison, car vous avez tout de suite vu que ces textes ont été écrits après le 7 octobre. Vous avez également noté que ce sont pratiquement les seuls textes qui sont datés, avec ceux d’Arno Klarsfeld et Jean-Marie Montali. C’est moi qui ai mis la date. Nous avons donc des intellectuels « juifs » (je mets des guillemets) comme Klarsfeld ou Zylberstein, et « arabo-musulman » (je mets encore des guillemets) comme Tahar Ben Jelloun et Boualem Sansal. Ils ont le même réflexe, la même pensée critique et ils condamnent le terrorisme du Hamas, comme d’ailleurs tout terrorisme. C’est précisément ce qui est intéressant dans cette histoire, c’est que nous avons affaire à des esprits éclairés, qui se situent en-dehors des courants idéologiques, et qui pensent vraiment l’humain. Que l’on soit juifs, chrétiens, protestants, athées, musulmans, bouddhistes, peu importe, nous pensons l’humain. En-dehors des catégories religieuses, mais surtout idéologiques. Bien sûr, j’ai le plus grand respect pour la religion. Mais je veux surtout dire qu’il se fait, que les intellectuels, le plus souvent aujourd’hui, sont contaminés par l’idéologie. Ils s’avèrent être des militants. Autrement dit, ils sont des esprits dogmatiques contaminés par l’idéologie, comme l’était Sartre. Ce militantisme idéologique est très français. On le voit d’ailleurs dans les débats d’aujourd’hui, où il y a très peu de place pour le pluralisme. Ce sont souvent des renvois d’ascenseur, des clivages gauche-droite très marqués, y compris dans la presse. Vous avez des journaux comme Libération, comme Le Monde, comme L’Obs, et puis d’autres comme le JDD, Causeur, Valeurs actuelles, à la télévision CNews, et entre les deux, on ne trouve que peu de choses. C’est pour cela qu’il y a une place pour nous. Autrement dit, le vrai intellectuel, avec une vraie pensée de tolérance, et qui correspond, non pas à l’idéologie, mais à ce qui est l’humain. Donc l’intelligence et la raison. C’est ce qui m’a intéressé. Et voilà pourquoi il y a cette trilogie.
Je pense que le lecteur a compris. Votre but avec notre livre, cette fois-ci, c’était repenser l’humain. Mais quelle est la méthode ?
Je dirais que c’est repenser l’humain au moment où nous sommes submergés par des catégories logiques qui ne sont plus logiques mais qui sont idéologiques, et par la technologie. Or, c’est précisément cet humain que j’ai essayé de retrouver avec mes amis intellectuels. Je ferai remarquer que le titre de ce livre n’est pas l’homme au centre du monde, mais l’humain. Ce qui n’est pas pareil du tout. On aurait pu me reprocher de placer l’homme au centre du monde, et on m’aurait demandé ce que l’on faisait des animaux, pensez aux véganes par exemple, ou aux écologistes ou aux végétariens. Différence, certes subtile, mais fondamentale.
Elle est fondamentale parce qu’elle pose précisément la question, qu’est-ce qu’un humain ? On sait ce qu’est un homme. On ne sait ce qu’est un humain. C’est là où cela devient beaucoup plus compliqué, et cela demande que des gens essaient de redéfinir l’humain. Car, en redéfinissant l’humain, ils redéfinissent l’humanisme.
C’est exactement cela, et c’est le pari de ce livre. Aussi, lorsque j’emploie le mot « humain », je pense à Léonard de Vinci sur lequel j’ai beaucoup écrit, notamment un livre en 2019, Divin Vinci[1], qui est une allitération, Léonard de Vinci, l’ange incarné. Il y a, à la fois la part angélique, la part divine, et puis la part de l’incarnation, la part humaine. C’est cela pour moi l’humain. L’humain, c’est l’homme avec une transcendance. Ce n’est pas seulement l’homme biologique ou l’homme matériel. C’est la part d’élévation spirituelle qu’il y a au sein de l’homme. Cela ne veut pas dire qu’il faut croire en Dieu. Ce n’est pas ce que je dis. Je dis simplement qu’il faut une certaine transcendance. Elle peut être dans l’art, dans la philosophie, dans un beau poème, dans une superbe démonstration mathématique, ou de logique. Moi, qui ai eu la chance d’assister à des cours de Bertrand Russell, car j’étais à l’université de Liège, où j’ai fait en partie mes études de philosophie, et le traducteur de Russell était Philippe Devaux, et après le logicien Quine, j’ai donc vu des logiciens faire des démonstrations de logique et mathématiques pures, et me suis dit que dans ces démonstrations on trouvait une part de beauté, et qu’il y avait même une part de transcendance. Là, je suis très proche d’Einstein. Pour moi, si Dieu existe, il est dans une cantate de Bach, il est dans la Chapelle Sixtine de Michel-Ange, dans une nocturne de Chopin, dans une page de Proust, ou dans un poème du plus impie des impies, Baudelaire, mais aussi dans une caresse, dans un revers de tennis, dans la grâce, dans la danse. Je m’étale très peu sur ma propre vie, mais je suis né dans un milieu très religieux. Ma mère était juive, paix à son âme, mais non-pratiquante. Et je connais bien le judaïsme. Mon père, italien, était catholique, enfant de chœur, et un de ses grands-pères était curé. Lorsque je suis né, mon père s’était converti au protestantisme évangélique, il était prédicateur. Mon premier livre lu dans ma vie, c’était le Nouveau Testament. Je le connais par cœur. Donc, avant de lire quoi que ce soit, j’ai commencé par lire l’évangile de Saint Matthieu. Et tous les dimanches, j’ai été à l’école du dimanche. Donc, je connais toutes les histoires juives de l’Ancien Testament. Et à 7 ou 8 ans, je faisais de petites leçons bibliques aux fidèles du temple. Donc, si vous voulez, chez moi, le sens de la transcendance est très marqué. J’ai le plus grand respect pour la religion, même si je me définis comme un agnostique, ou comme un déiste. Cela dit, si je devais choisir une religion, je dirais que le catholicisme est celle qui me parle le plus, parce qu’il a intégré l’art. Et pour moi c’est fondamental. Car Dieu est aussi de l’esthétique.
Vous avez beaucoup écrit sur l’esthétique et le dandysme.
Absolument. D’où cette idée que Dieu, je le perçois dans une belle démarche, dans un poème d’Oscar Wilde, ou même chez Sainte Thérèse d’Avila. Tout ce qui est grand, tout ce qui élève l’homme au-dessus de lui-même, est signe de beauté et de profondeur, d’intelligence et de culture. C’est cela pour moi l’humanisme. On dira un humanisme enraciné dans le ciel. Je sais, c’est un paradoxe.
On peut parfaitement le comprendre à travers l’arbre inversé de Platon, avec les racines qui sont au ciel.
C’est exactement ça. Et donc, pour revenir à notre livre, L’humain au centre du monde, son message fondamental, central, est celui-là. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si j’ai demandé à ce que l’on mette en couverture la figure allégorique de « L’homme de Vitruve » de Léonard de Vinci : véritable manifeste iconographique de la Renaissance, et donc, précisément, de l’humanisme. C’est-à-dire, l’homme au centre du monde, où l’on passe d’une vision théocentrique qui était celle du Moyen-âge à une vision anthropocentrique qui est celle de la Renaissance. Mais j’insiste : l’humain au centre du monde, car j’ai le plus grand respect pour les animaux. C’est donc une élévation. Notamment, lorsque notre civilisation et notre culture sont menacées par des fléaux qui pourraient se révéler fatals : le transhumanisme, l’intelligence artificielle, le dérèglement climatique, le complotisme, les fake news, la frénésie du buzz, le wokisme, la cancel culture, la montée des extrémismes, la violence urbaine, la dictature du numérique, la primauté du virtuel sur le réel, l’omniprésence des réseaux sociaux, la remise en question de la laïcité, l’appauvrissement du savoir et de la langue, le conformisme ambiant, la réduction des libertés individuelles, la multiplication des interdits, des jugements normatifs et moralisateurs, le LGBT sous sa forme idéologique et militante, l’ensauvagement de la société (et non seulement dans les banlieues dites « sensibles »), le terrorisme islamiste, le racisme, l’antisémitisme, le drame des réfugiés, l’apparition de nouvelles formes de barbarie, la banalisation du mal.
Sans compter les montées idéologiques, qu’elles soient d’extrême droite ou d’extrême gauche. Cependant, les secondes passent pour des idéologies, disons bon teint, puisque, depuis Sartre et son Existentialisme est un humanisme, on a l’impression que la gauche a confisqué le terme d’humanisme.
C’est précisément cela qu’il faut récupérer. J’ai été jeune, comme vous, et lorsque j’avais vingt ou vingt-cinq ans, j’étais à la fois nourri de théologie et de philosophie, et il est évident que Sartre a été une référence. Pas tellement ses essais philosophiques mais ses romans, comme La Nausée ou Les Mots, ou ses pièces de théâtre, comme Huis clos ou Les mains sales, qui m’ont beaucoup marqué. Cela dit, je n’ai jamais accepté qu’il verse dans le militantisme, et il en est même venu à défendre des causes indéfendables, comme la bande à Baader, l’Ayatollah Khomeiny (encensé par Foucault, à l’époque où il était en France protégé par Valéry Giscard d’Estaing, et qu’il appelait le « saint homme »). Ils en ont commis des erreurs, y compris Simone de Beauvoir, la grande féministe. C’est donc ce genre de bévues, ce genre d’écueils que j’essaie d’éviter avec mes amis intellectuels, mais aussi de repenser l’humain. C’est tout cela qu’il y a dans ce livre. Et ce livre est unique actuellement. Personne n’a pu réunir jusqu’ici autant de signatures, 33, de noms aussi importants, et surtout diversifiées. C’est un livre qui fera date et autorité, autant par la qualité des intervenants que par la qualité de leur texte, de leur écrit. On y trouve une vraie réflexion critique, un vrai travail, une vraie élaboration de la pensée, indépendamment de tout intérêt partisan ou dogmatique, politique ou idéologique. C’est une vraie réflexion critique, certes complexe mais surtout nuancée, que je pense nécessaire et salutaire aujourd’hui.
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[1] Erick Bonnier, 2019.