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« Falaise des fous » de Patrick Grainville

L’académicien Patrick Grainville nous sert, avec le talent immense que nous lui connaissons, une fresque historique vertigineuse, mêlée d’une saga familiale et amoureuse, évoquant les puissances destructrices de la passion, les pulsions emportées de la création, et les flamboiements insoupçonnés de l’existence. Il y a tout cela dans Falaise des fous, et toute l’histoire de l’impressionnisme. Cette recension est d'abord parue dans la revue en ligne Boojum ; elle est désormais en accès libre dans l'Ouvroir


falaise2.jpgLe roman de Patrick Grainville débute en 1927. « Jadis, j’ai embarqué sur la mer un jeune homme qui devint éternel. » Le narrateur, Charles, revenu blessé d’Algérie en 1867, il avait alors 20 ans, n’a presque plus bougé d’Étretat, où il s’est installé. Étretat, ce lieu de rien, où il ne s’est pas réalisé, où il a contemplé la vie, le monde, où il s’est contenté d’observer les événements, le temps qui s’étire ; Étretat, où il a traversé un siècle de bouillonnements, d'errements poétiques et créatifs. Un siècle débordé. « Je n’ai pas été le pêcheur que j’aurais pu être, encore moins le négociant. Je n’ai pas été peintre. J’ai regardé la vie. »

 

Voici donc le nouveau roman de Patrick Grainville, désormais reconnu par ses pères, élu à l’Académie française le jeudi 8 mars 2018, au fauteuil d’Alain Decaux. Voici donc venu le nouveau roman de l’écrivain couronné du prestigieux prix Goncourt à l’âge de 29 ans, en 1976, pour son roman Les Flamboyants, paru au Seuil. Voici donc venu un nouveau grand roman de l’écrivain français, qui raconte l’histoire du courant impressionniste, de Claude Monet et des autres, Courbet, Boudin, Monet, Flaubert, Maupassant, Hugo, Berthe Morisot. Mais pas seulement… C’est aussi, l’histoire d’une époque, pétrie de ses contradictions, de ses paradoxes, de ses zones d’ombre, de ses idéaux et de ses obsessions. On traverse les deux précédents siècles, comme Marcel Proust traverse ce roman, ainsi que les écrivains, les artistes, les hommes politiques. Grandeur et décadence, héroïsme et lâcheté. De cette histoire des siècles passés, nous retenons la création littéraire et artistique, les chemins qui mènent à l’homme et les chemins qui ne mènent nulle part, les controverses, les bassesses, les violences, parfois obscènes, faites aux hommes, comme l’affaire Dreyfuss, qui hante ce roman avec la force et l’ampleur de sa tragédie, car, comme l’écrit si bien Grainville :

 

« Il y a une révolte puissante en l’homme, c’est sa beauté, sa grandeur. Mais elle est écrasée par le complot des chefs et la conspiration grégaire. Car il y a aussi une grande paresse dans l’homme obéissant. C’est notre petitesse. »

 

Ce grand roman, c’est la peinture exigeante d’une grande époque ; une époque que nous ne serions oublier, car elle façonne la nôtre ; et, la patte de Grainville, montre combien il est un grand écrivain, qui ne craint pas de se lancer dans l’époque, en nous rapportant un roman exigeant et touffu, écrit dans un style sensible, dominé par ses personnages, les années qui passent, et l’histoire qui se déroule, emportant les hommes et les idées. Écrire, pour ne pas oublier…

 

patrick grainville

Patrick Grainville © DR

 

Car,

 

« Tout passe ! Les passions passent, la paix suit la guerre, les affaires reprennent de plus belle, le progrès fait encore un bond en avant malgré les monarchistes, les révolutionnaires fanatiques. Vous verrez qu’on finira par voler dans le ciel comme les petits oiseaux républicains. Il suffira de mettre au point la machine adéquate. L’amour dans tout c’est un divertissement, n’est-ce pas ? »

 

Fresque sensible et humaine, grande histoire d’amour, récit d’un narrateur subjugué par son siècle, par les jaillissements de couleurs des impressionnistes, notamment Courbet et ses Nymphéas, la Falaise des fous nous invite à replonger dans les débordements et les excès d’un monde d’hier, où la fièvre et la fureur, les emportements et l’amour en dessinent les contours, et dessinent les contours de ce roman-monstre, qui se fixe un noble objectif, celui de rapporter les grands défis d’une époque révolue, comme si nous parvenions enfin, au temps retrouvé.

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Falaises d'Etretat, Claude Monet

 

Patrick Grainville, Falaise des fous, Seuil, janvier 2018.

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