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Barjavel ou la science qui défie le temps (II)

Dans La nuit des temps, de Barjavel (1968), le discours du grand savant Coban apparaît très vite au lecteur attentif, comme profondément inquiétant. Il n’est plus celui d’un homme, mais plutôt celui d’un dieu ou d’un prophète. C’est de cette manière que l’on comprend que le roman de Barjavel est en avance sur son temps, puisque, grâce à la science et à la technologie, l’homme peut désormais se placer en position de démiurge, ce qui pose désormais la question du rôle de l’homme face aux catastrophes. Sera-t-il la hauteur de remplacer Dieu et de se sauver lui-même des grands périls à venir ? Face aux dangers du transhumanisme, qui guette notre société de demain, j'ai souhaité faire un point, en reprenant le chef d'oeuvre de Barjavel, en exclusivité dans l'Ouvroir.

 

Pour mémoire : Barjavel ou la science qui défie le temps (I)

 

barjavel.jpgDans un extrait du roman de Barjavel, Coban décrit son abri de la manière suivante : « j’ai fait un abri qui résistera à tout », « je l’ai garni ». Une sommaire analyse de texte montre à la fois que, l’emploi du passé composé marquant l’accomplissement de cette création et, l’invasion de la première personne prenant une place démesurée dans tout son discours, montrent combien le personnage principal ressent sa puissance sur les événements. Cela dit, c’est l'emploi du futur qui devient tragi-comique dans sa prétention à la civilisation, lorsque Corban dit : « et au centre je placerai un homme et une femme », « ce sera vous ». L’hubris est démesuré et son discours de grand scientifique prend des allures de prophéties.

 

De quelle folie humaine parle-t-on ? Celle de faire renaître la civilisation. L’ambition de Coban dépasse de très loin celle de Noé dans la Bible. Alors que Noé ne doit préserver que les êtres vivants, hommes et animaux, Coban veut lui, faire renaître toute la civilisation. Et il a une méthode pour cela : mettre dans un abri des objets qui feront renaître la culture des hommes : « dix mille bobines de connaissances, de machines silencieuses, d’outils, de meubles, de tous les échantillons de notre civilisation ». Coban compte sur toute l’’étendue de ses connaissances scientifiques, pensant, dans cet épisode biblique revisitée par le scientisme du vingtième siècle, que la science n’aura pas de mal à se substituer au divin.

 

L’homme se veut donc un démiurge peut-être. Mais ce qui est dérangeant dans cette ambition démesurée, c’est la nouvelle forme de tragique qui prend des allures de forces pathétiques et alarmantes. En déléguant à la machine le soin de sauver l’humanité, l’homme ne se libère pas, au contraire, il donne à l’ordinateur les choix coordonnés de sélectionner les hommes et les espèces. Désormais ce sont à la fois la machine et le savant qui dirigent la sélection, allant jusqu’à choisir d’éliminer les hommes ou les femmes qui ne conviennent pas au projet.

 

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L'intelligence artificielle à la vitesse de la lumière

 

Voilà que l’ordinateur est élevé au rang de Dieu, et, comme lui, il est omniscient. Il lui suffit par exemple d’analyser l’activité hormonale de Lona pour en déduire qu’elle est enceinte avant qu’elle l’ait elle-même découvert. Il peut aussi définir le caractère de chaque être en cinq qualités. Eléa par exemple est « équilibrée, rapide, obstinée, offensive, efficace »., ce qui est par ailleurs une énumération correcte. Barjavel montre alors tout son génie lorsqu’il souligne le contraste entre la froideur des informations données par la machine et la force des émotions d’Eléa, tel « un bloc de pierre », dans un visage qui « rougit ».

À voir aussi :  
 

J. Testart : "Les transhumanistes veulent éliminer l'humain de l'humanité"

 

On ne peut que saluer le travail d’écrivain de René Barjavel, qui a su, par une œuvre de science-fiction de tout premier plan, nous proposer à la fois une réécriture moderne de l’épisode biblique de l’arche de Noé, en nous montrant tous les excès de notre modernité qui prétend pouvoir substituer la science à Dieu et le savant au patriarche, et, par ailleurs, on perçoit dans ce roman comme une nouvelle forme de fatalité, qui allie les aléas du destin humain avec la volonté du scientifique.

 

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 L'Intelligence Artificielle, plus puissante que l'intelligence humaine  ?

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