Entretien avec Richard Millet « Le peuple français est devenu un peuple dégradé, sur le plan linguistique, politique et spirituel »
L'écrivain Richard Millet est devenu le pestiféré de la République des lettres. Suite à la parution de deux ouvrages qui n’ont plu ni au petit milieu des lettres germanopratines, ni à la gauche politique et morale, l’écrivain de presque soixante-dix ans s’est retrouvé au banc des accusés. Lâché par Gallimard, mais aussi par presque toute l’édition française, c’est toutefois aux éditions Les Provinciales qu’il revient avec un récit autobiographique qui raconte ses vingt premières années sur terre. Autiste, survivant, il nous raconte une jeunesse française, sa naissance à la littérature, à la philosophie, à la musique, aux femmes et à la sensualité, racontant une formation de l’esprit, et au goût de la langue, dans ce récit, La Forteresse, qui est une sorte de mise au point, ainsi que le couronnement d’une œuvre. C’est donc la voix d’un authentique écrivain que l’on entend, dans un style à la fois très littéraire et très classique, loin du nombrilisme mal écrit et vulgaire de la littérature de cette époque, qui n’hésite pas à aborder les cicatrices, ce qui fait mal, inscrivant en creux de la doxa un contre-discours, qui fait penser à un appel à la guerre civile pour certains, mais qui est plutôt revendiqué par l’écrivain français, comme de la transgression, fondée sur une rhétorique de la dissidence. « Le style est une arme en elle-même, autant que le combat », dit-il, alors que ses détracteurs voudraient le réduire à la polémique. J’ai eu l’occasion de m’entretenir avec lui sur le sujet. Voici donc la rencontre avec un authentique écrivain, hors des sentiers rebattus de la censure et du politiquement correct. Ce grand entretien est paru dans le site du mensuel Entreprendre, et dans le n°40 de Livr'arbitres de décembre 2022. Il figure désormais au sommaire de mon livre Galaxie Houellebecq (et autres étoiles) paru aux éditions Ovadia (2024).
Marc Alpozzo : Bonjour Richard Millet, et merci d’avoir accepté de répondre à quelques questions. Je crois qu’il est d’abord important de rappeler l’écrivain que vous êtes, auteur de plus de quatre-vingts livres, mais aussi l’éditeur du prix Goncourt 2006 pour Les Bienveillantes, Jonathan Littell, et du prix Goncourt 2011, Alexis Jenni pour L'Art français de la guerre. Vous avez consacré votre vie à l’écriture, et vous publiez depuis presque quarante ans, puisque votre premier roman intitulé L’Invention du corps de saint Marc est sorti chez P.O.L. en 1983. C’est aussi, au tournant de ce siècle, que vous avez connu une reconnaissance littéraire, en devenant une des figures majeures de la littérature politiquement incorrecte, avec des œuvres polémiques et courageuses, comme en 2012, lorsque vous avez publié chez Pierre-Guillaume de Roux, un essai intitulé Langue fantôme, suivi de Éloge littéraire d'Anders Breivik. Vous vous en preniez, dans cet ouvrage, au multiculturalisme et à la perte de repères identitaires qui seraient, dites-vous, à l'origine du geste du tueur norvégien, tout en affirmant que seule une littérature qui a le courage de traiter de la question du mal est recevable dans des temps dominés par le divertissement et l'insignifiance. Or, avec ce nouveau livre, intitulé La Forteresse (Les provinciales, 2022), et sous-titré « Autobiographie 1953-1973 », vous semblez baisser les armes, au moins un moment, pour revenir sur vous, vos débuts dans l’existence, et vous acceptez de nous faire pénétrer dans votre forteresse intérieure. Pourquoi cette invitation ?
Richard Millet : Il y a longtemps que je voulais me pencher non pas sur le récit de ma vie proprement dite, mais sur ce mystère que chacun est pour soi, autant que pour les autres. Autrement dit, la genèse de l’écrivain que je suis, sur mes vingt premières années, le reste étant lisible dans d’autres livres, et dans mon Journal intime, dont la publication se poursuivra l’année prochaine, aux Provinciales, le seul éditeur qui accepte de publier désormais le banni que je suis devenu. Il ne s’agissait cependant pas de baisser les armes, comme vous dites : le style est une arme en elle-même, autant que le combat. On m’a réduit à la polémique, oubliant que je suis aussi un romancier et un essayiste. Ce livre est une manière d’en revenir à la littérature.
La suite de cet article figure dans Galaxie Houellebecq (et autres étoiles)
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Commentaires
Ok pour le dégradé total linguistique et autre.
Bravo Marc de mettre en lumière quelqu'un qui dit haut, et avec une belle facture, la triste dégradation de la nation France.
L'entre-soi du microcosme de la "bien pensance" parisienne m'horripile !!!
Je ne reconnais plus mon pays mais je reste une gardienne de ses valeurs, de son excellence et surtout de sa langue.
Nous avons un devoir de transmission très important pour que demeurent tous nos patrimoines.
Bravo Monsieur Millet de ne pas vous fondre dans le style délétère et vide de sens qu'affectionnent tant ces écrivaillons qui n'ont aucun talent !!!
Millet est l'incarnation d'une dissidence à la française.
Qui publierait aujourd’hui le plus grand écrivain français du XXe siècle?
Marc Alpozzo La dégradation se situe dans tous les secteurs, les médias évidemment et même la science, vulgarisée pour répondre au désir ludique de notre époque. La science doit être amusante ! A titre philosophique, je pense qu'il faut oser décréter la déchéance de la culture française et de la France en général.
J'ai lu "fatigue du sens" et je me suis dit que dans notre société consensuelle et bien pensante qui ne supporte pas les discours de vérité, il ne ferait pas long feu.
La société progressiste de gauche ne supporte pas la contradiction. Elle est dogmatique, autoritaire et subjective. Nous ne sommes plus dans les droits de l'homme mais juste et uniquement dans les devoirs du citoyen.
Sans doute le plus grand écrivain français contemporain.
Brillant écrivain injustement ostracisé.
A l'image du pays et des gouvernants.
Quelle régal de lire ses post bien écrit et plain de bon sence qui valorise l'excellance de la langue et de la cul ture France aise
Merci Marc Alpozzo de mettre en avant quelqu'un qui, malgré les malgré, reste suffisamment courageux pour s'ériger en opposition et dénoncer la bassesse ambiante.
« La Confession Négative » est un véritable chef d’œuvre.
Excellente interview !
Marc, bonjour. Je partage sans la plus petite réserve, avec peut-être encore plus de férocité, la position défendue par Monsieur Richard MILLET sur le sujet de ce qu'est devenue l'"épave" FRANCE submergée par la médiocrité, la chose en est à un point tel qu'à peu près toute la population française peut la percevoir sans même prendre conscience qu'elle en est la principale responsable.
Cet entretien est très intéressant sur plusieurs plans et révélateur de notre formidable époque.
Au moins ça dérange...