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« Théorie du mal, théorie de l’amour », seizième séminaire d’Alain Badiou

Depuis 1966, le Séminaire d’Alain Badiou jouit d’une très grande renommée. C’est un laboratoire où le philosophe teste, nourrit et les affûte ses idées. Ouvrons le seizième volume, consacré à l’année de 1990-1991 : Théorie du mal, théorie de l’amour. Cette chronique est parue dans la revue en ligne Boojum. Elle est désormais en accès libre dans l'Ouvroir.


badiou9.jpgL’image est d’emblée percutante : le rapprochement entre le mal et l’amour. Comment et pourquoi le philosophe dresse-t-il un parallèle entre la théorie du mal et à la théorie de l’amour ? D’où vient le mal ? Et qu’est-ce que l’amour ? D’une part donc, les valeurs du Bien et du Mal, et de l’autre l’amour, avec un lien entre ces deux motifs, dont les résonances éthiques, métaphysiques et philosophiques montrent que la pensée philosophique continue de relever des défis, les propositions religieuses sur le Bien et le Mal, pour les repenser, les re-problématiser, les inscrire dans la modernité. Et en tirer une thèse, assez inactuelle : en Occident, le mal dont l’amour est capable, c’est la religion.

 

A-t-on tort de voir en Alain Badiou le militant politique avant le philosophe ? Maoïste, ou du moins, l’a-t-il longtemps été, philosophe bien évidemment, Badiou est aussi mathématicien, romancier, dramaturge, et polémiste. Autant dire qu’il cumule les casquettes, et, parfois, accepte de donner la réplique à Michel Onfray, ou de répondre aux questions des journalistes Nicolas Truong ou Aude Lancelin, parlant de politique ou d’amour, se mettant ainsi à la portée du grand public.

 

Mais il ne faut pas oublier qu’Alain Badiou est avant tout professeur émérite à l’École normale supérieure, et l’auteur de nombreux ouvrages à haute portée philosophique, qu’il publie comme une mitraille dans les années 90 et 2000 : L’être et l’événementL’éthiqueLogiques des mondesLa vraie vie, etc.

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Alain Badiou chez lui

 

La publication des séminaires est une chance inestimable : observer une nouvelle philosophie naître peu à peu, dans le laboratoire des idées qu’Alain Badiou créa directement au 45 rue d’Ulm. Penseur aux multiples visages, mêlant politique et éthique, ce qui ne semble plus aller tant de soi depuis plusieurs décennies, Badiou est un séminariste rigoureux et profond, essayant d’exposer sa philosophie aux auditeurs ou lecteurs capables, de leur côté, de grands efforts pour lire et méditer une parole vivante, et vivifiante, n’ayant de cesse de questionner et re-questionner ce qu’est la philosophie, et ce qu’elle veut.

 

Rapport de la philosophie à la vérité, rapport de la vérité à l’amour, rapport de l’amour au mal,

 

« quand la philosophie cède à la tentation de prescrire l’unicité du lieu sacré de la vérité, elle devient une prescription angoissante ou un commandement obscur et tyrannique, qui l’écarte de la clarté de son acte, celui de la saisie ».

 

Penser donc le mal dans les conditions du présent pour ce philosophe communiste, c’est le penser en-dehors du véritable adversaire de l’éthique que Badiou nomme le « moralisme », en renvoyant cette conception du mal à son origine religieuse. C’est là toute l’ambiguïté de son processus de vérité et de vérification de la vérité, non sans résister à la tentation de dessiner une éthique du bien. C’est sûrement toute la fragilité de son argumentation, mais elle vaut bien un détour, au moins pour comprendre pourquoi la philosophie depuis Platon n’a eu de cesse de confronter la pensée au désastre, ne serait-ce que pour « unifier le concept du Mal du point des vérités ».

 

Alain Badiou, Le Séminaire, Théorie du mal, théorie de l’amour, Fayard, « Ouverture », avril 2018.

 

À VOIR AUSSI :

Alain Badiou - Part 1 : l'Amour

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