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Laïcité : la grande imposture ?

Pendant que le débat inter-religieux s’essouffle sur un plateau de télé-spectacle, et que les propos de Michel Houellebecq, annonçant avec une certaine justesse à mon sens, que la menace islamiste est en train de s’estomper, soutiennent que le tigre en papier s’écorne et se ramollit, le débat sur la laïcité continue d’être flou. Cet article est paru dans lJournal de la culture n°15 en septembre 2005. Il est désormais disponible dans l'Ouvroir.

 

 

république.jpgJ’ai re-découvert récemment un livre du philosophe Guy Coq qui, dix années plus tard, n’a rien perdu de sa verve ni de son intérêt. Laïcité et république, le lien nécessaire[1] pose des bases de questionnement très intéressant pour le débat qui est le nôtre :

 

Rappelons-le : la publication de cet ouvrage date de 1995. Depuis beaucoup d’eau aurait vraiment coulé sous les ponts ? Il s’ouvre sur une épigraphe qui s’indigne (à juste titre !) que Salman Rushdie ne puisse plus avoir le droit de se promener « sur les boulevards parisiens », que les Versets sataniques doivent être distribués sous le manteau, et sans nom d’auteur en République Tchèque. De fait, il ne peut en tirer qu’un constat et un seul : en Europe, la liberté et la laïcité sont en train de mourir, « à moins d’un sursaut des amis de la liberté »[2].

 

Le texte a déjà dix ans. En 1995, quel constat ? L’idée de laïcité se trouve à cette époque déjà diversement remise en cause. Précisément, parce que le rouleau compresseur européen commande une « uniformité standard » de la diversité des nations.

 

L’auteur prend position contre cette réduction des diversités des nations, des mosaïques des traditions et des histoires. Selon Guy Coq l’idée de laïcité n’est pas seulement une particularité française, elle est « intimement liée au principe démocratique ».

 

Actualiser et protéger l’idée de laïcité est bien le défi du XIXème  siècle. Et précisément à cause du défi que représente l’islam. Dix ans plus tard, en 2005, faisant face à bientôt vingt années d’attentats islamistes sévissant partout sur le globe, et précisément en terre européenne, on peut mesurer combien déjà en 1995, Guy coq visait juste en recentrant le débat sur la question de l’« accommodement de la laïcité à l’islam ».

 

Les années 90 ont été agitées par les débats sur le voile (auxquelles les lois récentes n’ont finalement pas donné un terme acceptable, enflant la polémique, opprimant symboliquement et parfois trop gratuitement les communautés visées). Guy Coq a toutefois raison de préciser que dans l’agitation du débat se cachait (et se cache encore) sournoisement un enjeu symbolique majeur : « l’inscription de l’islam dans la société laïque »[3]. Sans compter les chrétiens dont la tentation est forte de retrouver une certaine position culturelle dans une société laïque.

 

Le constat de Guy Coq se précise alors : d’un côté, l’Église catholique essaye de s’inscrire dans le débat pour « récupérer quelque chose de l’hégémonie dont (elle) bénéficiait avant la laïcisation, de l’autre l’islam tente de se frayer une place dans un pays où régnèrent deux millénaires de christianisme.

 

Le problème semble couler de source : quel avenir pour la laïcité dans une société laïque et précisément un monde ou les grandes utopies séculières sont fragilisées par quelques forces confondant politique et religieux : religion civile, ou sacré de remplacement ?

 

Selon Guy Coq, la volonté politique doit se tourner vers la construction d’une éducation pour la démocratie : éducation républicaine et laïque.

 

L’objectif de l’auteur : travailler pour une humanité meilleure[4].

 

Or, quelles grandes thèses défend-il dans son ouvrage ?

  1. Si une séparation de l’État et de l’Église s’impose à juste titre selon Guy Coq, il y a danger à ramener la liberté religieuse à une liberté sans limite, à réduire l’idée de laïcité au principe absolutisé de neutralité. Les conséquences d’une telle manœuvre seraient sûrement une « déstructuration pour l’espace social » du fait d’un principe universel de la liberté religieuse rendu abstrait.
  2. Dans le délicat (et tenu mystérieusement sous silence) problème de « l’islam politique » c’est « en fait un combat contre la République qui est entrepris. »[5]
  3. Transgresser les « chantages émotionnels » quant aux exclusions des filles voilées de leur école respective, fut un risque tenu par Guy Coq pour une raison simple : son « admiration » pour un autre islam. Cette tentative courageuse peut d’ailleurs être saluée, car tenter une réflexion critique autour d’un islam idéologisé par des minorités intégristes ne signifie pas pour autant rejeter en bloc l’islam, ni jeter sur cette religion l’anathème de façon radicale et aveugle.
  4. Le voile dans les classes est un frein à l’intégration, à la liberté de se choisir[6].
  5. Dans la lignée des lois récentes, Guy Coq préconise l’interdiction des objets religieux ostentatoires.
  6. L’interdiction faite à Salman Rushdie de s’exprimer en public perdure, car on trouve finalement peu de « citoyens convaincus que cette situation est intolérable »[7].

guy coq.jpg

Guy Coq,© Bernard Lefort

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[1] Editions du félin, 1995.

[2] p.9.

[3] p.11.

[4] p.327.

[5] Ibid. L’auteur précise derrière Daryush Shayegan qu’entre « l’intégrisme et la République, il y a incompatibilité », .328.

[6] « On oublie aussi le frein mis à l’action de ceux et de celles qui se servent de la présence de quelques voiles dans l’école pour faire pression sur les autres jeunes musulmanes », p.328.

[7] p.329.

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