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La question de la souveraineté (Gérard Mairet)

La question de l’Europe n’a jamais autant fait écrire, parler, que depuis de débat sur le référendum à la Constitution européenne, débat dans lequel une émeute électorale selon certains « spécialistes » aurait dit « Non ! » à Kant, aux lumières, et… à la « fin de l’histoire ».



victor hugo,gérard mairet,europe,francis fukuyamaOn a beau dire, le grand projet européen, voulu des vœux mêmes de Victor Hugo ou encore Friedrich Nietzsche a mis les Européens à l’abri de toute guerre possible sans vraiment leur offrir une vie tout à fait paisible. Car, selon les mots mêmes de Gérard Mairet, l’ex-citoyen-soldat s’est transformé en un citoyen-consommateur et l’ancienne guerre européenne est devenue à présent la paix du marché européen. De fait, l’Europe ne pense plus « l’éthique de sa liberté » et reste relativement inactive au niveau international.

 

Voilà donc pourquoi la fable du monde est terminée, car le concept de « souveraineté » n’est historiquement plus porteur d’avenir, si l’on s’en tient aux dires de l’auteur Gérard Mairet qui mène là une véritable « enquête philosophique sur la liberté de notre temps ». Tout un programme. Le titre même de l’ouvrage est alors très parlant : La « fable » du monde. Sorte d’allégorie, fiction qui ne se préoccupe pas de la vérité.

 

Alors de quoi parlons-nous ? De la question du « monde ». Monde libéré des « guerres », de la violence comme moteur de l’histoire. Autrefois les nations européennes derrière le projet kantien de paix perpétuelle, rêvaient de paix. Elles en rêvaient en se faisant la guerre. Cruelle paradoxe ?  Pas nécessairement ! L’Union européenne tel qu’on le sait est un projet « humaniste » né de la peur d’une nouvelle guerre. Un concept ayant nécessairement qui pris naissance au centre d’une Europe construite au fil des divers crises, crises d’une histoire pleine de violence, grosse d’un nouveau monde qu’il lui fallu accoucher dans la douleur et les guerres qui inspirèrent aux peuples le sentiment de leur particularité, pour s’achever sous nos yeux, en une Union des peuples fondée désormais sur la paix, à la suite d'un génocide suicidaire. De fait, plus aucune nation européenne ne se fait la guerre, au point même que notre ex-ennemi juré l’Allemagne nous parait aujourd’hui comme l’un de nos alliés les plus sûrs. A la paix « rêvée » voire « idéale » s’est substituée dès lors une paix « concrète ».

 

« C’est précisément un tel processus – individuation des peuples historiques – qui est désormais achevé en Europe. Il est achevé dans le sens où, dans leurs tendances formelles générales, les nations européennes ne peuvent plus se faire la guerre car, si ce qui se constituait au travers des guerres c’étaient des nations mêmes, alors celles-ci étant désormais vivantes, elles ne s’opposent plus pour exister. »

 

Doit-on alors, à la suite de Francis Fukuyama, parler de « fin de l’histoire » ou, tel que le dit Gérard Mairet, d’« achèvement » de la philosophie politique moderne ?

 

L’expérience de paix concrète appelée de nos vœux s’ajoute à celle de « liberté concrète ». Liberté qui ne doit pas s’entendre au sens large, mais comme « liberté déterminée des nations particulières ».

 

Or, penser l'achèvement de la philosophie politique, c’est également penser l’achèvement de la « souveraineté » qui inaugure une nouvelle ère du politique : le cosmopolitisme européen. Dès lors, voilà notre nouvel impératif européen : « Penser la moralité à venir, l’éthique de sa liberté, non selon les dispositifs d’un nouvel âge guerrier, mais dans la paix. »

 

L’éternelle répétition des formules telles « la volonté du peuple », « l'indivisibilité de la république », « la dictature du prolétariat et les droits de l'homme » doivent être abandonnées au profit d’une autre moralité, nouvelle fable pour un « monde nouveau » sans quoi le marché demeurera l’unique support de la moralité moderne.

 

Gérard Mairet, La fable du monde, Enquête philosophique sur la liberté de notre temps, 368 pages, Collection NRF Essais, Gallimard, 2005.

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