Marc Alpozzo, Partir — Cartographie de l’errance. Voyage autour de sa chambre
J'ai fait paraître le 16 octobre 2017 un récit épistolaire intitulé : Partir. Cartographie de l'errance, que les éditions le Littéraire ont publié, avec une couverture plutôt iconoclaste inspirée du très beau travail de Ladislas Kijno. J'ai écrit ce livre alors que j'accomplissais une longue route en Europe occidentale, vivant délibérément une aventure destinée à troubler ; rédigé dans les gares, les trains, les aéroports, les avions entre janvier 2014 et septembre 2015, c'est-à-dire dans les moments les plus tendus de ma route en terres germanophones, lorsque j'étais comme un bouchon sur la mer, allant sans rien derrière et tout devant, ce récit rapporte, sous une forme romancée, les enseignements et les initiations apportées par ce long voyage. Jean-Paul Gavard-Perret m'a fait l'immense plaisir d'en tirer une chronique, que je vous livre ici...
Le génie du lieu forain semble offrir un prix supplémentaire à la conquête de l’homme : il se veut toujours un Don Juan des espaces. Pour preuve, ces cohortes de retraités qui arpentent le monde à la conquête d’une géographie sur catalogue. Italie, Espagne, Turquie, USA, Galapagos tout est bon dans le cochon du tourisme. Mais c’est bien ignorer ce qu’il en est du déplacement. Celui que nous propose Alpozzo — spécialiste de la littérature par correspondance — est d’une autre envergure.
L’aventure est à la fois indexée sur les grands voyageurs (D’Abel de la Bible à la suissesse Alexandra David Néel en passant par Le Clézio, Kerouac et autres arpenteurs des espaces inconnus. Pour autant, l’auteur est un joyeux pervers. Persécuté par des pensées incertaines, ses pulsions le forcent à quitter l’ici pour l’ailleurs. Néanmoins, chez lui, le sédentaire triomphe du nomade d’une manière inédite.
Le perpétuel insatisfait à la fois par l’expérience du dehors et l’angoisse des départs trouve sa sérénité et assouvit son besoin de bouger par une parade : partir ne débouche pas forcément sur la transe de la bougeotte. Un voyage autour de sa chambre — si du moins elle est engrossée des livres qu’il convient — permet d’éponger le besoin d’être toujours en route. Le plaisir du voyage passe par une chimie particulière et d’autres périples et ivresses que celui de l’arpentage géographique.
La quête de soi tire de la littérature l’ivresse des découvertes. Grâce à elle, l’âme voyage afin d’assouvir sa pulsion. L’amour de la lecture devient le territoire et la carte Michelin du monde. Elle est aussi la carte du Tendre de la reconnaissance, de l’estime, de l’extime et des inclinations mais surtout de l’intime.
Jack Kerouac en 1960
Le livre devient une véritable casuistique non à destination des Précieuses et Précieux qui tentent d’accorder un prix à l’agitation mais des forts en thème dont l’utopie se nourrit de circuits allégoriques. Le savoir-être ne prétend pas à la découverte d’autre lieu que la maison de l’être. Seul ce voyage permet de créer une dialectique de l’être avec lui-même.
Il suffit de trouver les entremetteurs de ce passage forcé : l’auteur nous les offre sur plateau afin que nous embarquions, explorateurs de nous-mêmes, dans un bateau ivre.
Jean-Paul Gavard-Perret
Marc Alpozzo, Partir — Cartographie de l’errance, Les éditions du Littéraire, Paris, 2017, 97 p.
En ouverture :
Marc Alpozzo par Claude Godfryd