Toute l’œuvre de Georges Perros
Toute l’œuvre de Georges Perros enfin réunie dans un gros volume de la collection « Quarto », composé des œuvres publiées du vivant de l’écrivain français, augmenté de la totalité des textes parus en revue, ainsi qu’un choix de textes inédits, non parus et retrouvés dans des carnets jadis égarés, sous la direction du traducteur et écrivain Thierry Gillyboeuf.
Avant d’être un homme de mots, Georges Perros (1923-1978) étudie l’art dramatique et commence sa vie comme comédien. C’est Gérard Philippe qui le présente à Jean Vilar, lequel l’engage comme lecteur pour le TNP. C’est probablement de cette première expérience qu’il retiendra cet amour inconditionnel pour le texte, la prose, ce qui l’amènera à la littérature.
Alors Georges Poulot deviendra Georges Perros, en souvenir de Perros Guirec, maison d'enfance et des temps heureux. Cet inclassable de la littérature française, rendu célèbre par ses Papiers collés, qu’il concède à faire parce que la vie matérielle l’a rattrapé. Cet écrivain qui met la littérature si haut, qu'il se tiendra longtemps au refus du livre.
« Ce que j’écris est à lire dans un train, par un voyageur qui s’ennuie, et qui trouve sur la banquette, oublié, un de mes livres. »
Un auteur exigeant
Georges Perros n’est pourtant pas un auteur de gare. Point s’en faut ! Auteur exigeant, écrivant « à ras de langue » comme il le disait lui-même, pour aller au plus profond, s'approcher au plus près du bord de la vérité. Son but : être un homme avec des hommes. Parler. Il recherche le décollement de la langue, alors, ou plutôt parce que, la conversation est impossible, et, exige nécessairement l'intervention du hasard.
Ce volume, dirigé par Thierry Gillyboeuf, nous rappelle la production immense de cet écrivain trop injustement ignoré aujourd’hui : ses Papiers collés, ses Poèmes bleus, sa Vie ordinaire, ses Échancrures, son Ardoise magique, et j’en passe…
Georges Perros et Xavier Grall à Pont-Aven...
Agrémenté de dessins inédits, de photographies, d’extraits de ses carnets, on découvre un écrivain touchant, authentique, pudique, lui qui a forgé le néologisme de « noteur » en ce qui le concerne, car « la littérature, dit-il, c’est ce qui ne devrait pas être publié », recherchant une forme de perfection en art, autant que l’équilibre instable et vertigineux que l’on retrouve dans ses notes.
Georges Perros parle l'accent parisien. Sûrement parle-t-il le « titi parisien », avec ce genre de décollement et ses papiers collés (re-collés ?), alors même qu'il a écrit presque toute sa vie en Bretagne, ne pouvant se passer de la mer, mais aussi des êtres humains. Perros n'est pas Céline ! Ne reconnaissant aucune hiérarchie ni dans la langue ni dans la quête, Perros va au-delà de ce qu'il peut, traçant des lignes, les offrant aux autres. C'est ça être écrivain ! C'est écrire pour les autres ! toujours pour les autres ! Écrire avec ce langage liquide.
« La vérité rétrécit au lavage »
« Puits de science donne eau peu potable. »
« Écrire c’est, pour moi, se dépayser ; pour les autres, montrer ses limites ».
Pour Perros, écrire c'était rayer la vitre. Fluidité, rapidité. La note (petite soeur du poème pour Perros). La petite musique. Cela rappelle celle de Sagan. Il y a celle de Perros aussi ! Sûrement doit-on redécouvrir Georges Perros aujourd'hui. L'homme qui publiait ses notes clandestines, orphelines, son couvent de notes ou son orphelinat. Relire Perros donc. C’est urgent ! Pourquoi ? Parce que, tel que l’écrit Thierry Gillyboeuf dans sa préface :
«Lire Georges Perros, c’est à la fois entendre une voix reconnaissable entre toutes et se laisser emporter par une pensée sans cesse en mouvement, qui se rétracte et se déploie contre le ressac. »
Georges Perros : Une vie ordinaire
Georges Perros, Œuvres, éditions établie par Thierry Gillyboeuf, Gallimard, « Quarto », novembre 2017, 1600 pages, 92 documents.
Ce volume contient la totalité de l’œuvre de Georges Perros ainsi que de nombreux inédits. Elle est ici établie par ordre chronologique pour Papiers collés, Poèmes bleus, Une vie ordinaire, Papiers collés II, Échancrures, L’Ardoise magique et Papiers collés III, et par ordre d’écriture pour les inédits, les textes non repris en volume ou ceux réunis après sa mort.