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Entretien avec Éric Revel. Pour un retour de l'autorité de l'État

À quelques semaines de la présidentielle de 2022, l'ancien directeur de LCI et du réseau des radios régionales France Bleu, intervenant régulier à CNEWS, Éric Revel, une des grandes figures du journalisme en France, sonne le tocsin, et nous prévient dans un essai bref, mais brillant, Fenêtre de tir (Ring, 2021), que cette élection doit être une élection sous le signe du retour de l’ordre et de l’autorité, sans quoi, ce sera l’effondrement. Le risque que court alors la France, ce sera d'aller à l'abîme. Essai à la fois vif et alarmiste, le journaliste n'hésite pas à aborder toutes les grandes problématiques sociétales qui menacent notre pays, notamment l'autorité bafouée, l'explosion de la violence, la tabou de l'immigration, la cancel culture et la contestation par l'ultragauche des forces de l'ordre, critiquées depuis des années, sans compter l'idéologie écologiste. Son pessimisme, mêlé à ses analyses, rappelle les thèses d’Éric Zemmour. Jamais désabusé, il reste un observateur de la vie politique française et fait le constat qu’il ne manque qu’une chose pour que la France reprenne le chemin d’elle-même. Une chose qu’il développe dans son essai, comme un pamphlet contre les temps de wokisme et de dénis qui sont les nôtres. Et cette chose, si simple mais si attaquée aussi, c’est l’autorité. Celle du Pater familias qui a constitué pendant des siècles le socle de notre civilisation. Mais surtout celle qui fait défaut aux gouvernants, celle, naturelle, et pour laquelle on peut vouloir s’engager : celle du chef. J’ai eu l’occasion de rencontrer ce journaliste et romancier. Je remercie David Serra, fondateur et directeur des éditions Ring, et Loïc di Stefano, responsable d’édition, d’avoir favorisé cette rencontre. Cet entretien est paru dans Boojum. Il est désormais en accès libre dans l’Ouvroir.

fenêtre.jpgMarc Alpozzo : Votre document s’intitule Fenêtre de tir (Ring, 2021). Vous êtes journaliste et grand reporter, mais vous avez été aussi directeur général de LCI, et l’objet de votre livre est celui du naufrage du pays. Votre constat est à la fois alarmiste et édifiant. Vous comptez d’ailleurs beaucoup sur l’élection présidentielle de 2022, pour nous sortir de l’impasse sociale, et vous tirez le signal d’alarme (comme beaucoup d’autres) devant la montée de l’insécurité sociale, les violences qui égrènent la France, la fonction présidentielle qui n’est pas incarnée, etc., vous dites que l’élection est un enjeu majeur et démocratique extrême, vous dites même que « cette élection constitue une fenêtre de tir citoyenne et démocratique », notamment suite à la communautarisation de la Francen mais aussi à la crise économique qui va la fragiliser, et vous prétendez qu’il faut plutôt voter à droite, sans quoi, ce sera l’effondrement définitif. Est-ce que vous pensez qu’Éric Zemmour, qui est devenu un phénomène de société depuis septembre dernier, pesant sur la campagne, peut l’emporter, et que pensez-vous de son engagement ?

 

Éric Revel : Eric Zemmour a mis dans le débat des thèmes qui étaient largement tabous dans le débat politique français parce qu’ils étaient préemptés par le RN. La question de l’immigration, de la sécurité, de la communautarisation de la société française sont des thèmes qui parlent aux Français dans leur vie quotidienne. Sinon, il ne serait, actuellement, pas aussi  haut dans les sondages. Toutefois, ses solutions ne sont pas à la hauteur de l’acuité de ces thèmes. La dénonciation ne peut pas faire œuvre de programme. Nous verrons dans le détail les propositions de Zemmour lorsqu’il sera candidat. La principale préoccupation des Français est celle, aujourd’hui, du pouvoir d’achat. La misère sociale qui se développe en France renvoie au niveau trop bas des salaires. Il n’est pas normal que ceux qui vivent de leur travail n'aient plus ,à la moitié du mois, de quoi vivre. Les problèmes graves du pays sont multiples. La société française est fragile comme rarement elle l’a été dans son histoire.

 

M.A. :  Comment expliquez-vous que nous en sommes arrivés là ? On ne peut pas nier que les thèmes de la campagne de 2022 sont des thèmes de droite. Vous faites d’ailleurs un diagnostic inquiétant, ce qui a fait d’ailleurs dire au journal du soir Libération que vous étiez « un nouveau réactionnaire », montrant que la Start-up nation a bafoué l’autorité, une fin de l’autorité diagnostiquée par le philosophe Alain Renaut (La fin de l’autorité, 2004), vous parlez de l’explosion de la violence en France, le malaise policier, la cancel culture qui est un des versants de la société française et qui est une menace pour notre histoire et notre culture, parce qu’elle « veut nous inventer un passé mondialisé pour nous imposer un avenir globalisé », écrivez-vous. Contre cela, vous préconisez un retour à l’ordre, et bien sûr à l’autorité, mais ne pensez-vous pas que dans le contexte de l’époque cela ne soit qu’un vœu pieu ?

 

É. R. : Je m’interroge aussi dans ce livre sur l’idée que j'appartiendrai à une génération qui ne comprend pas les mouvements d’une « nouvelle société » qui se développerait sous nos yeux.  Le « c’était mieux avant » existe depuis que les générations se succèdent. Pourtant, je suis convaincu que nous assistons à une liquéfaction du pays. Dans tous les secteurs, l’autorité a reculé. Un professeur doit enseigner mais avant tout être respecté. Les Forces de l’ordre sont attaquées. Le Chef de l’Etat doit incarner la fonction et être intraitable sur l’autorité qu’il représente. Dans la Cinquième république avec la Constitution de 1958, le Président de la République n’est pas une personne « normale », il est le chef du pays et le chef des armées. Il possède plus de pouvoirs que le Président des Etats-Unis à l’échelle de notre pays.  Hors, sans restauration de « l’autorité républicaine » au plus haut niveau nous ne parviendrons pas à redresser la barre et encore moins à réformer un pays qui s’enfonce dans les déficits et la dette publics. Quant à Libération, me faire traiter de réactionnaire par ce journal est presque un honneur ! Plus sérieusement, la « réaction » a changé de camp . Dans les années 80, le débat tournait autour des idées politiques que la Gauche bien-pensante lançait. A cette époque, ceux qui réagissaient pour dire leur opposition ou leurs critiques étaient en réaction. La Droite fut alors qualifiée par confort intellectuel de « réactionnaire ». Mais, aujourd’hui, les idées du débat national sont portées par la Droite. Donc, les nouveaux réactionnaires sont les « penseurs » de Gauche qui, ne portant plus d’idées, se contentent de réagir aux idées de Droite. Ces « néo réactionnaires » devraient balayer devant leur porte et tenter de reparler à leur électorat perdu. 

 

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Éric Zemmour et Marine Le Pen, deux camps
de la droite conservatrice qui s'affrontent

 

M.A. :  Ce que l’on constate aujourd’hui, c’est « une archipélisation » et « une partition du pays », c’est ce que vous dites, une archipélisation notamment des banlieues. On se rappelle les mots pessimistes de l’ancien ministre de l’Intérieur Gérard Colomb : « Aujourd’hui on vite côte à côte... Je crains que demain on vive face à face. » Si ces propos nous semblent de plus en plus dramatiquement prémonitoires, on constate que l’islamo-gauchisme (ou droitisme), le wokisme, le néo-féminisme, etc. sont également à l’origine de cette fracture dramatique de notre société, avec comme seul avenir commun, un assemblage de communautés hétéroclites réunis par les GAFA et l’utilisation du digital mondialisé. Vous écrivez d’ailleurs à ce propos : « Derrière la « philosophie wokiste » se profile en filigrane, le triomphe du business américain et de la standardisation des espoirs grâce aux réseaux sociaux digitalisés, chiens de garde de la nouvelle bien-pensance mondiale. » Quels seraient les moyens selon vous pour sortir de cette impasse et ramener la paix et la tranquillité en France ?

E. R. : Je pense que les réseaux sociaux ne sont pas l’espace de liberté que l’on nous avait vendu ! La mainmise du business américain ( car c’est avant tout du commerce) assujettie en partie la démocratie. Les GAFA portent aussi largement le développement de la « cancel culture » et du wokisme. Si nous n’y prêtons pas garde ce mouvement intellectuel et racialiste américain ira jusqu’à remettre en cause notre laïcité. Hors, notre laïcité, qui est unique au monde, constitue le dernier pilier solide de notre république et du « vivre ensemble ». Pour en sortir, il ne faut rien céder, pas un pouce de terrain, à la défense de la laïcité française. C’est notre dernier rempart pour préserver notre culture et notre ancrage historique. L’Histoire de France ne commence pas avec la Révolution française, elle commence, au moins avec le baptême de Clovis. 

 

À voir aussi :  

Éric Revel parle de son livre paru aux éditions Ring

 

M.A. : Votre livre est le livre qui diagnostique un effondrement général à venir. Pour vous, le seul rempart de la République demeure la laïcité, même si celle-ci est largement remise en cause par les islamo-gauchistes qui cherchent à conquérir les voix des musulmans, dites-vous. Mais vous appelez aussi à une révolution conservatrice, lorsque vous écrivez : « Être conservateur, c’est finalement vouloir conserver un patrimoine historique et sociétal pour le transmettre. » N’est-ce pas un vœu pieu, lorsqu’on voit ces jeunes générations, les millénnials, cette génération Y, qui remet tout en cause, y compris nos valeurs fondamentales, prétendant tout révolutionner et fonder un Nouveau monde qui sera, selon eux, un monde meilleur ?

 

E.R. : Oui, je le redis, défendons bec et ongles. Elles s’imposent à chacun et à chacune. Au sujet de la jeunesse, je ples, notre laïcité. Les lois de la République sont au-dessus de toutes autres ense que le « camp des progressistes » n’est pas le seul à intéresser les millennials. La jeunesse française est traversée par différents courants dont celui du respect des valeurs. Encore faudrait-il que l’éducation nationale donne à penser et à réfléchir aussi sur la grande histoire de notre pays. Pour qu’il y ait des parts d’ombre dans cette histoire, il faut évidemment que les parts de lumière soient multiples et fortes. N’ayons pas peur de l’avenir de ce pays. Les tourments sont multiples et l’heure est grave. Conserver son patrimoine et son histoire, les transmettre est fondamental. Et tant mieux si au sujet de ceux qui prônent cette idée sont qualifiés de « conservateur ». L’élection présidentielle de 2022 revêt donc un caractère particulier parce que le pays est dans une phase de transition dangereuse. 

 

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Éric Revel

 

Éric Revel, Fenêtre de tir, Ring, Septembre 2021.

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