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Alain de Benoist, Contre le libéralisme

Depuis son premier ouvrage en 1977, Alain de Benoist est connu pour une œuvre importante, et pour une forme exaltée de soupçon du côté de l’intelligentsia dominante. Pourtant, il n’a jamais relevé de la psychiatrie ou de la folie furieuse, ses livres ont sûrement été interprétés avec une certaine absurdité, puisqu’il a été classé à droite par un certain nombre d’observateurs, et bien à droite. Il est également connu pour sa bibliothèque, contenant environ 200 000 ouvrages, considérée comme la plus grande bibliothèque privée de France, ce qui peut sembler dérisoire, mais qui nous en dit long sur cet intellectuel de premier plan. Cette recension est d'abord parue dans la revue en ligne Boojum, et elle est désormais en accès libre dans l'Ouvroir

 

contre liibéralisme.jpgCe qu’il faut penser du ralliement d’Alain de Benoist à la Nouvelle droite

Je pense qu’il y a une tradition en France, c’est de classer à l’extrême-droite toutes les idées qui dérangent l’idéologie dominante de gauche. On le dit donc « Nouvelle droite », mais j’aimerais bien savoir ce que cela veut dire, ayant comme l’impression que l’on se sent toujours obligé de classer à droite ou à gauche la littérature, comme si une littérature hors des chapelles était bien trop dérangeante. Certes, Alain de Benoist n’a jamais caché avoir été militant d'extrême droite dans sa jeunesse. Il se défend pourtant depuis plusieurs décennies de tout penchant pour le racisme et pour le totalitarisme, bien que les accusations continuent comme si de rien n’était.

 

En 2015, comme un pied de nez à ces multiples attaques, il se qualifie dans le magazine Le Point, comme un « intellectuel étiqueté (très) à droite », et déclarant pourtant se sentir plus à gauche que Manuel Valls ! Le politologue Stéphane François commentera alors ces propos de la manière suivante : « Pourquoi pas, mais l’on n’oubliera pas que tout un pan de la droite radicale est anticapitaliste, dans la lignée de la révolution conservatrice allemande des années 20 et du national-bolchévisme. »

 

Nous y sommes ! Je veux dire, nous sommes à ce qui m’a fortement intéressé dans ce livre. Car je me fiche bien des chapelles ! J’ai lu par ailleurs que, d'après Stéphane François, la Nouvelle Droite est le courant qui a le plus théorisé l'idéologie identitaire, ce qu'il analyse à juste titre comme étant le « rejet de l'Autre », c'est-à-dire défendre que les « bienfaits des États-providence européens » profitent « aux seuls Européens au sens ethnique du terme », mais aussi « défendre la civilisation européenne du métissage ethnique et culturel ». Rien de tout ça dans ce livre, fort heureusement !

À voir aussi : 

Le libéralisme : principes et critiques (entretien avec Alain de Benoist)

 

 

Une critique virulente de la société de marché

Dans ce texte, Alain de Benoist développe une critique de la société de consommation, ou, disons, de la « société de marché » et des conséquences dramatiques de la mondialisation, ce qui me paraît le rapprocher de certaines thèses de l'extrême gauche. Je ne crois donc pas qu’Alain de Benoist divise l’humanité en deux clans fondés sur la race. Je pense plutôt qu’il a saisi le vrai clivage du XXIe siècle, opposant non pas la droite et la gauche, mais les mondialistes de l’économie de marché et les souverainistes populaires, en nous annonçant par ailleurs, que le capitalisme est un véritable processus de ruine, entraînant à terme des guerres de civilisation. Alain de Benoist oppose donc plus volontiers les progressistes mondialisés aux conservateurs souverainistes.

 

« Le conservatisme admet très bien qu'on puisse donner sa vie pour une cause qui en vaut la peine. Tout au long de l'histoire, les seules idées pour lesquelles on ait donné de sa vie collectivement sont la patrie, la religion et la classe. Ce sont là trois modalités d'appartenance, trois domaines du commun. Mais le libéralisme, qui pose l'individu comme un être avant tout calculateur de son meilleur intérêt, ne reconnaît pas un bien commun allant au-delà d'un intérêt général défini comme la seule addition des intérêts particuliers. »

 

Lorsqu’on lit Alain de Benoist, il semble que le libéralisme s’opposera éternellement au conservatisme et qu’aucune réconciliation ne sera jamais possible. Le conservatisme abhorre les idéologies du progrès et des droits de l’homme qui seront toujours associées au libéralisme. Dans son chapitre « Communautariens vs libéraux », l’auteur se prête à une longue réflexion autour du libéralisme, idéologie plaçant l’individu au centre de la société. Cela découle bien entendu d’une échelle de valeurs privilégiant l’égoïsme et les penchants naturels de chacun.

 

C’est donc à cela qu’il faut s’attaquer selon de Benoist. Au libéralisme et son individu-roi, car nous devons lui préférer le bien commun, l’enracinement et les communautés naturelles. Tout simplement parce que le libéralisme admet et valorise ce qu’il a de plus bas en l’individu et les « eaux glacées du calcul égoïste » comme le disait Marx. N’est-il pas préférable de privilégier au contraire ce qui appartient non pas à la vie individuelle mais collective, à savoir la patrie, la religion et la classe ?

 

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Aimable dédicace de l'auteur

 

Sûrement que ces idées dites « rétrogrades » aujourd’hui par l'idéologie dominante de gauche, feront bondir les modernes, et surtout les post-modernes. Pourtant, comme obliger l’individu, porté dans son égoïsme et décomplexé dans ses desseins, à reconnaître le bien commun ?

 

« Comment professer le sens des limites quand on adhère à un système économique dont l'essence réside dans l'illimitation du marché et la suraccumulation du capital, c'est-à-dire à un système dont le déploiement planétaire entraîne la destruction de tout ce que l'on veut conserver ? Difficile d'être à la fois contre la gouvernance mondiale et pour le marché planétaire ! »

 

Privilégier les valeurs du libéralisme à celles du conservatisme est d’autant plus stupide que parvenu à un certain niveau de bien-être, nous dit encore de Benoist, « la quantité de malheur au sein d’une société ne dépend guère de sa richesse ».

 

Un essai qui, malgré ses défauts, montre une méfiance salvatrice à l’endroit du libéralisme économique, qui transforme tous les pans de la société, y compris la religion, l’école et la culture, en un gigantesque marché, attaquant comment on a bouleversé en permanence les rapports de productions et les rapports sociaux.

 

Un livre pour comprendre, avant d’agir, et qu’un gilet jaune ne boudera pas, me semble-t-il.

 

Enfin, rassurons-nous, comme le dit très bien Alain de Benoist, à la fin de son ouvrage : « Ce qui est né de l’argent périra par l’argent. »

 

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Alain de Benoist

 

Alain de Benoist, Contre le libéralisme, Le Rocher, Janvier 2019.

Commentaires

  • Alain de Benoist a toujours des analyses très pointues sur notre société avec cette intelligence qu'ont les intellectuels dans le raisonnement absolu ( ou dans l'absolu du raisonnement). Pour ceux comme moi qui aiment la clarté d'un discours bien défini , ils trouveront dans ses écrits une explication synthétique de la complexité du monde sur tous les plans.
    À cette question de savoir comment en finir avec le libéralisme il n'y a pour réponse que cette sentence que " ce qui est né de l'argent périra par l'argent" il faudrait déjà commencer par se demander si tout le monde a la même conscience politique du niveau de ce citoyen du futur lavé de tout soupçon idéologique et de conditionnement matérialiste.
    Dans notre élan de perfectibilité ou bien on vise dans le mille ou bien on se plante carrément à côté.

  • Profonde analyse, s'il en est:
    « la quantité de malheur au sein d’une société ne dépend guère de sa richesse ».
    Redéfinir la notion de progrès serait un bon début.

  • Les pensées écornées©,

  • Les pensées écornées, les phrases sorties de leur contexte, la comparaison comme mode de fonctionnement, la manipulation consciente et inconsciente... Un programme destructeur.

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