Slavoj Zizek : penser radicalement
Slavoj Žižek est psychanalyste et philosophe. C’est dans l’ignorance quasi-totale des Français durant longtemps, que la Slovénie abritait l’un des intellectuels les plus repris dans le monde, et déjà culte en Europe de l’Est et aux États-Unis. Puis, dès 2005, Slavoj Zizek devint une voix dans notre paysage intellectuel, de plus en plus importante. Depuis son premier ouvrage La subjectivité à venir, publié aux éditions Climats, nous connaissons Slavoj Zizek pour sa pensée novatrice, son regard critique et cynique jeté sur l’Occident, et précisément sur l’économie de marché, qui tend à envahir récemment la pensée et la culture. Voici un tour d'horizon, grâce aux chroniques de quelques livres, que je reprends ici, in extenso, pour l'Ouvroir.
I. Intolérable intolérance
Par ses ouvrages toujours éclairés, et en marge de la « pensée correcte », Slavoj Zizek nous apprend qu’un philosophe n’est pas forcément enfermé à double tour dans sa tour d’ivoire, ou n’est pas forcément tapi à l’abri dans son bureau, enseveli sous un océan de livres. Ce qui est très encourageant…
Déjà auteur chez Climats de La Subjectivité à venir (2004) et aux éditions Amsterdam de Vous avez dit totalitarisme ? (2004) entre autres, l’axe central de l’oeuvre de ce penseur révolutionnaire repose sur la définition même des termes d'une véritable politique d'émancipation. On comprendra alors pourquoi Slavoj Žižek m'est très cher. Pour cela, c'est ce que je trouve personnellement de très fort, c'est l'idée qu'il émet, à savoir qu'une forte dose d'intolérance est nécessaire pour élaborer une critique pertinente de l'ordre présent des choses. J'imagine que le terme d'"intolérance" va en déranger quelques-uns ! C'est une idée d’autant plus problématique que l’époque actuelle tend à diaboliser toute pensée qui tend à s’élever au-delà d’une norme balisée et « bien pensante » élaborée par des censeurs de la morale, gardiens de la « tolérance » et du « politiquement correct ». Et je sens que je serai définitivement catalogué de "réac'" à la fin de cet article !
Cependant, osons la question : qu’est-ce qui se cache réellement derrière le langage feutré de la tolérance contemporaine ? Slavoj Žižek y répond en pointant du doigt ce qui se dissimule derrière ce principe d'indulgence : à savoir un processus de dépolitisation généralisé. Un multiculturalisme dépolitisé qui est la nouvelle idéologie du capitalisme global.
Slavoj Žižek dénonce donc d'abord, la supercherie profondément hypocrite qui se retrouve dans l'idée bombardée tout azimut aujourd’hui, que le plus grand danger réside dans les différentes formes d'intolérance, de nature ethnique, religieuse ou sexuelle. Ensuite, il dénonce les dysfonctionnements de nos sociétés modernes. A la frontière de la philosophie et de la psychanalyse, il aborde des thématiques aussi vastes que : Lénine, l’opéra, Schelling, David Lynch, Marx, Kieslowski, Hegel, Matrix, les cuvettes de toilettes, ou encore le 11 Septembre. Un livre qui ne saurait rebuter quiconque grâce à sa facilité d’accès.
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Certes, la prose de Slavoj Žižek est radicale, mais c’est pour nous ramener fermement à s’interroger sur une époque fertile en contradictions. Exit l’exigence moderne ultime du « politiquement correct » et de la « tolérance ». Slavoj Žižek se risque sans craintes de reposer les définitions exactes de termes parasités par un vocabulaire intellectuel qui rend l’usage de notions tel le mot « totalitarisme » ou « proto-fascisme » impropre, termes utilisés aujourd’hui de façon très fréquente pour diaboliser une thèse mal acceptée. Il s’agit donc de réaffirmer l’usage des passions politiques fondées sur la discorde, l’usage de l'intolérance pour questionner notre curieuse époque.
« À l’aune des critères politiques traditionnels, nous vivons sans aucun doute des temps étranges. Penchons-nous sur la figure paradigmatique de l’extrême droite d’aujourd’hui, les milices fondamentalistes millénaristes aux États-Unis. N’apparaissent-elles pas souvent comme une version caricaturale des groupuscules séparatistes de l’extrême gauche militante des années soixante ? Dans les deux cas, nous avons affaire à la logique anti-institutionnelle radicale : l’ennemi ultime est l’appareil d’État répressif (FBI, armée, système judiciaire) qui menace la survie même du groupe, organisé comme un corps extrêmement discipliné afin d’être capable de résister à cette pression. L’exact contraire de cela, c’est un gauchiste comme Pierre Bourdieu qui défendait l’idée d’une Europe unifiée en tant qu’« État social » fort, « garantissant le minimum de droits sociaux et la sécurité sociale contre l’offensive de la globalisation » : il est difficile de s’abstenir d’ironiser devant un intellectuel d’extrême gauche élevant des remparts contre le pouvoir corrosif global du Capital tant loué par Marx. »
On comprend alors que le modèle de tolérance multiculturelle dominant auquel nous avons aujourd’hui affaire n’est pas si innocent qu’on veut le faire croire, que le monde post-politique qui est le nôtre s’appuie sur un pacte social basique à partir duquel les décisions sociales ne sont plus l’objet de débats et conflits politiques, ce qui entraîne Slavoj Žižek à utiliser plusieurs outils philosophiques afin de déconstruire les idées reçues et mettre en lumière le marasme idéologique dans lequel nous baignons : ses principaux outils sont la dynamite, le paradoxe, la conciliation des contraires, sans compter l’humour, humour que détenait déjà Socrate en son temps.
De fait, contre la pensée unique, et l’intoxication volontaire des masses par la société spectaculaire, il ne devrait pas y avoir de maison pour la tolérance, dit Zizek.
II. Le Miroir du réel
Lorsque le chef des rebelles, Morpheus, accueille Néo, le héros (malgré lui) du film Matrix, il prononce cette phrase incompréhensible : « Bienvenue dans le désert du réel ». C’est ainsi que l’on peut probablement décrire le monde réel, qu’il croyait encore vrai jusqu’à ce qu’il réalise le simulacre, engendré par un gigantesque ordinateur, d'un univers depuis longtemps dévasté par une guerre atomique.
« Le désert du réel » : depuis, cette formule n’a cessé de nous hanter, au point que Zizek la reprenne à son compte, pour décrire notre époque « postmoderne », le nouvel ordre mondial, et le délitement de la démocratie dans laquelle l’impasse nihiliste, son idéologie multiculturaliste et sa tolérance posées comme un mot d’ordre doivent être critiquées, voire combattues. C’est ainsi que l’on peut sûrement présenter cette suite d'essais divers sur les travers de notre époque, et principalement l’imaginaire occidental quant à ses représentations idéologiques durables telles Hollywood, le Pentagone, ou encore les Gauches européennes et américaines
En cinq chapitres, Slavoj Zizek balaye le panorama d’une ère post-politique dans laquelle il a vu se diluer la politique, la gestion de l’économie, le projet des lumières. Que doit-on conserver de la politique américaine qui a fait suite aux attentats terroristes du 11 septembre 2001 ? D’autant que « tout ce que nous savions provenait des médias officiels ». Pouvons-nous dire que nous sommes entrés avec les attentats et la politique mise en place au lendemain des attaques dans quelque chose de plus fantastique encore que ces tours qui tombent : « le spectre d’une guerre « immatérielle », où l’attaque est invisible et le virus, les poisons, partout et nulle part » ?
Zizek s’interroge sur la nature de la nouvelle guerre invisible dans laquelle l’occident a mis les pied :
« Rien ne se passe au niveau de la réalité matérielle visible, aucune explosion massive ; pourtant l’univers connu commence de s’effondrer, la vie se désintègre. »
Quelle est donc la nouvelle alternative qui est nous est proposée depuis cette entrée dans un réel dont les frontières avec le fantasme, l’irréel, le fantastique sont de plus en plus fragiles. Dans une société américaine qui prétend défendre la liberté de penser, dont le nouvel esprit du temps est la tolérance universelle, que dire des multiples mensonges de l’administration Bush, du pouvoir des médias, de la réalité de ces attentats, de leurs impacts sur nos modes de vie ? Avons-nous atteint comme le prévoyait Samuel Huntington, un véritable choc des civilisations, ou plutôt un choc à l’intérieur des civilisations ?
« Le vrai choc des civilisations ne pourrait être qu'un choc au à l'intérieur de chaque civilisation. L'alternative idéologique opposant l'univers libéral, démocratique et digitalisé, à une radicalité prétendument "islamiste" ne serait en définitive qu'une opposition, masquant notre incapacité à percevoir les vrais enjeux politiques comtemporains. Le seul moyen de nous extraire de l'impasse nihiliste à laquelle nous réduit cette fausse alternative est une sortie de la démocratie libérale, de son idéologie multiculturaliste, tolérante et post-politique. »
Voilà ce que nous montre ce livre : les vrais enjeux politiques contemporains tendent à masquer combien nos sociétés qui s’enorgueillissent à défendre la liberté de penser, le droit des personnes, la liberté d’entreprendre, la défense de la démocratie, ont mis en place un système de plus en plus serré de contrôles sociaux. Peu importe le degré d’expression qu’il nous a été donné en aval par ces sociétés dite « démocratiques », il nous manque en amont les mots pour le dire, tous prisonniers d’un système forclos qui nous enferme dans un cadre qui est par avance prédéfini, malgré les fausses alternatives qu’il prétend offrir.
« Et si le vrai problème n’était pas la fragilité du statut des exclus mais plutôt qu’au niveau le plus élémentaire, nous soyons tous « exclus », au sens où cette position zéro, celle de l’exclusion généralisée, est devenue l’objet de la biopolitique, et que le possible politique et le droit du citoyen ne nous sont accordés que dans un geste second, conformément aux attentions stratégiques du biopouvoir ? »
Ces accents foucaldiens sous la plume de Zizek, nous emmènent de l’Homo sucker, celui qui croit se jouer du système alors qu’il n’est que le jouet du système, à l’homo sacer la parfaite figure de l'ennemi politique forclos dans l'espace politique. Des individus sans aucun droit. Nous retombons là dans la barbarie, celle d’une démocratie qui exclut. Des sans-papiers en France aux ghettos afro-américains aux Etats-Unis.
« Homo sacer qui, morts ou vifs, en tant qu’êtres humains, ne font pas partie de la communauté politique ».
Le constat est amer : notre réelle acceptation de l’autre ne produit finalement que du « vide » car nous n’acceptons l’autre que si cet autre nous ressemble, mais cette fausse acceptation masque en réalité l’absence d’idéologies qui étaient naguère nos chaises roulantes.
La force de Zizek lui vient du fait qu’il soit à la fois philosophe, mais aussi psychanalyste. De fait, il parvient à nous proposer des analyses convaincantes sur les investissements pulsionnels et idéologiques qui ont façonné notre nouvel ordre mondial. L’examen des lendemains qui déchantent du 11 septembre 2001 est alors l’occasion pour Zizek de souligner combien nos rapports avec l’islam relèvent d’un fonctionnement particulier de nos sociétés capitalistes et démocratiques : depuis la chute du mur de Berlin, et l’effondrement du pire ennemi du capitalisme qu’était autrefois le communisme, l’occident, et particulièrement la fière Amérique, ne laissent à ses concitoyens que cette seule alternative : le capitalisme ou l’islamisme. Choc des civilisations ou choc des idéologies ? Choc des cultures ou plutôt choc des intégrismes, des dictatures, des totalitarismes ? Comment sortirons-nous de l’impasse ?
Une fois de plus, en fin observateur de notre époque postmoderne, Zizek démonte toutes les illusions soutenues par nos bien-pensants du moment, dynamite toutes les idoles comme autant d’épouvantails qui nous gardent dans une ignorance crasse. Beau retour dans les simulacres du réel, une réalité qui nous prépare un capitalisme « mondialisateur » triomphant ou peut-être à un désastre total…
III. Penser l'Europe
Avec son livre Que veut l'Europe ? Zizek ne dément d’ailleurs pas la sulfureuse réputation du philosophe de l'Europe de l'Est. Son livre décrypte la vraie énigme que représente l’Europe, et pose une question clé : que veut-elle ? A-t-elle un objet ? Une finalité qui lui serait propre ?
Slavoj Zizek s’interroge autour de cette Europe, précisément celle de l’Union européenne, dont l’identité culturelle risque d’être profondément menacée par « l’« américanisation » culturelle comme le prix à payer de leur immersion dans le capitalisme global. »
Or, sa thèse est la suivante : le monde nouveau qui s’annonce, et dans lequel nous entrons, est global, pas universel. Cet ordre nouveau, nous ne devrions pas le nier, car nous ne perdrons rien dans ce nouveau monde à venir, des particularismes dans lesquels chacun trouve une place bien définie. La globalisation ne menace pas les particularismes, elle ne menace que l’universalisme.
De fait, « la véritable opposition aujourd’hui n’est pas celle existant entre le Premier Monde et le Tiers-monde, mais existant entre la Totalité du Premier Monde d’un côté, le Tiers-monde (l’Empire global américain et ses colonies) et le Second Monde restant (l’Europe) de l’autre. »
Il s’agit donc de penser l’Europe. C’est ce que Slavoj Zizek tâche de faire en quelques deux cents pages comme autant de pistes à suivre, sentiers escarpés par lesquels notre vision des choses ne peut être que modifiée, transformée grâce à la subtile capacité du penseur à poser les bons problèmes. Et s'il nous met en garde, c'est pour nous dire d'être sévères à l’égard de la vision de l’Europe telle qu’elle est envisagée par nos élites politiques. Que veut l’Europe ? Comment faire pour qu’elle ne débouche pas sur une arrogance à l’américaine ? Un dialogue extrêmement critique avec ce projet s’impose. Car comment se permettre de critiquer les États-Unis sans critiquer dans un premier temps l’Europe ?
Pour cela, il s’agit de « penser radicalement ». Ce qui semble impossible selon Slavoj Zizek dans l’état de la démocratie actuelle.
« A l’instant où l’on présente le plus petit signe d’engagement politique dans un projet politique entendant remettre sérieusement en question l’ordre existant, la réponse fuse immédiatement : “Aussi chargé de bonnes intentions cela soit-il, tout cela finira nécessairement par un nouveau Goulag !”»
Dans la veine de son ouvrage Plaidoyer en faveur de l’intolérance, dans lequel Slavoj Zizek émettait l’idée que ce dont nous avons aujourd’hui besoin en priorité, c’est d’une forte dose d’intolérance, particulièrement si l’on souhaite élaborer une critique pertinente de l’ordre présent des choses, par ce nouvel opus, il pose un certain nombre de bonnes questions : sommes-nous en guerre, et avons-nous un ennemi ? Pour quelles raisons adorons-nous tous détester Jorg Haider ? Comment et pourquoi Vaclav Havel a abdiqué face à la logique du capitalisme ? Comment pouvons-nous nous approprier l’histoire européenne d’une manière radicalement nouvelle ?
Bref, voilà quelques pistes pour mieux connaître un penseur hors du commun. Zizek, un style, une voix à écouter et à méditer d’urgence…
S
SLAVOJ ŽIŽEK, portrait de MARK SELIGER
(Bienvenue dans le désert du réel, Flammarion, 224 pages, 2005, Plaidoyer en faveur de l’intolérance, Climats, 2004, 167 pages, Que veut l’Europe ? Réflexion sur une nécessaire réappropriation, Climats, Paris, mai 2005, 208 pages.)
Commentaires
Le concept de "tolérance" m'a toujours paru vaporeux. Il semble que ce soit juste un rapport de forces: on "tolère" ce qui nous indispose, mais ne fait pas trop de mal, qu'on arrive à supporter. En réalité, tout cela est extrêmement flou. Quant à la" culture", le problème me paraît moins être son relativisme que la nécessité d'en acquérir une. Depuis plus d'une génération, les gens sont élévés comme des poulets en batterie pour entrer dans une société de consommation, c'est-à-dire éliminer tout esprit critique (Nietzsche l'avait vu dans Aurore au paragraphe 137 par exemple, Walter Benjamin avait vu tous les processus mis en place par la société journalistique pour faire de même, Musil de la même manière, etc.). Tout cela reste juste à gommer la présence même d'une culture. Le problème me paraît moins être le relativisme culturel, ce qui suggèrerait qu'il y ait plusieurs cultures qui se heurtent. Le problème est que bien souvent les gens qui se heurtent n'en ont aucune. Il ne suffit pas de naître dans une "culture" pour en avoir une, il faudrait également se l'approprier et comme ceci réclame des efforts, très peu de gens le font. Il y a certes une minorité qui sait un petit peu ce qui se passe dans le domaine culturel et qui l'anime. Toutefois cela reste un marché de niche. La plupart des gens s'en foutent. Dans ces conditions parler de relativisme culturel me paraît poser un faux diagnostic.
La phrase de Claudel est trop connue pour que je la rappelle.
il peut y avoir une certaine lacheté dans la tolérance ...
Le concept de "tolérance" m'a toujours paru vaporeux. Il semble que ce soit juste un rapport de forces: on "tolère" ce qui nous indispose, mais ne fait pas trop de mal, qu'on arrive à supporter. En réalité, tout cela est extrêmement flou. Quant à la" culture", le problème me paraît moins être son relativisme que la nécessité d'en acquérir une. Depuis plus d'une génération, les gens sont élévés comme des poulets en batterie pour entrer dans une société de consommation, c'est-à-dire éliminer tout esprit critique (Nietzsche l'avait vu dans Aurore au paragraphe 137 par exemple, Walter Benjamin avait vu tous les processus mis en place par la société journalistique pour faire de même, Musil de la même manière, etc.). Tout cela reste juste à gommer la présence même d'une culture. Le problème me paraît moins être le relativisme culturel, ce qui suggèrerait qu'il y ait plusieurs cultures qui se heurtent. Le problème est que bien souvent les gens qui se heurtent n'en ont aucune. Il ne suffit pas de naître dans une "culture" pour en avoir une, il faudrait également se l'approprier et comme ceci réclame des efforts, très peu de gens le font. Il y a certes une minorité qui sait un petit peu ce qui se passe dans le domaine culturel et qui l'anime. Toutefois cela reste un marché de niche. La plupart des gens s'en foutent. Dans ces conditions parler de relativisme culturel me paraît poser un faux diagnostic.
Le concept de "tolérance" m'a toujours paru vaporeux. Il semble que ce soit juste un rapport de forces: on "tolère" ce qui nous indispose, mais ne fait pas trop de mal, qu'on arrive à supporter. En réalité, tout cela est extrêmement flou. Quant à la" culture", le problème me paraît moins être son relativisme que la nécessité d'en acquérir une. Depuis plus d'une génération, les gens sont élévés comme des poulets en batterie pour entrer dans une société de consommation, c'est-à-dire éliminer tout esprit critique (Nietzsche l'avait vu dans Aurore au paragraphe 137 par exemple, Walter Benjamin avait vu tous les processus mis en place par la société journalistique pour faire de même, Musil de la même manière, etc.). Tout cela reste juste à gommer la présence même d'une culture. Le problème me paraît moins être le relativisme culturel, ce qui suggèrerait qu'il y ait plusieurs cultures qui se heurtent. Le problème est que bien souvent les gens qui se heurtent n'en ont aucune. Il ne suffit pas de naître dans une "culture" pour en avoir une, il faudrait également se l'approprier et comme ceci réclame des efforts, très peu de gens le font. Il y a certes une minorité qui sait un petit peu ce qui se passe dans le domaine culturel et qui l'anime. Toutefois cela reste un marché de niche. La plupart des gens s'en foutent. Dans ces conditions parler de relativisme culturel me paraît poser un faux diagnostic.