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Slavoj Zizek se demande qui contrôle qui ?

À l'heure où je vous parle, il me semble qu'il ne nous reste guère de penseurs pour analyser et éclairer ce monde en décomposition. Peut-être deux écrivains, chacun à sa manière, intempestifs, immoralistes, mais surtout mal compris, il me semble : Houellebecq et Dantec. Ces deux-là je crois, sont suffisamment armés pour notre époque, qui s'agite comme si nous étions à la « fin de l’histoire ». En fait, en philosophie, on trouve aujourd'hui un penseur radical, j'en conviens, un penseur de la « post-modernité » et celui-ci nous vient de l’Est et répond au nom de Slavov Zizek.

slavoj zizek, Medhi Beladj Kacem Par ses ouvrages toujours éclairés et en marge de la « pensée correcte », Slavov Zizek nous apprend qu’un philosophe n’est pas forcément enfermé à double tour dans sa tour d’ivoire, ou n’est pas forcément tapi à l’abri dans son bureau, enseveli sous un océan de livres. Ce qui est très encourageant… d’autant plus, quand on ouvre un nouvel ouvrage de ce penseur hors-normes.

 

C’est le cas de ce dernier, sobrement intitulé Irak, le chaudron cassé. C’était d’autant plus réjouissant de pouvoir prendre connaissance d’un texte de Zizek, que celui-ci vient à point nommé nous donner un éclairage différent sur un fait d’actualité récent qui peut en jeter plus d’un dans le doute et l’incertitude : fallait-il ou non faire la guerre en Irak ?

Certes, ce nouvel ouvrage signé Zizek s’adresse probablement plus aux anglo-saxon et aux américains qu’à nous autres franco-allemands, puisqu’il se donne pour objectif de dégager de ce maelström made in Bush, tornade de mensonges, intoxications volontaires, et manipulations politico-médiatiques, les clés d’une vérité inavouable.

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Le 14 février 2003 : Le discours de Dominique de Villepin contre la guerre en Irak

Avec cela, Slavov Zizek présente une qualité majeure : celui de coller avec notre siècle, notre époque troublée et saturée d’informations toujours contradictoires, trop souvent « fausses ».  Usant d’une liberté de ton que l’on ne connaît à personne aujourd’hui, il décrypte à travers le prisme d’une critique marxiste, sujets d’actualité et confusion entre réalité et virtuel : du 11 septembre à l’intervention américaine en Irak, il n’y a qu’un pas. Pour Zizek, les raisons invoquées, les mensonges ou contrevérités qui ont été utiles à couvrir une intervention qui s’est traduite en bourbier ne l’ont pas complètement convaincu. L’Irak est un chaudron cassé. Titre qu’il éclaire dès son introduction :

 

« Afin de mettre à jour l’étrange logique des rêves, Freud recourait à la vieille blague du chaudron cassé. (1) Je ne t’ai jamais emprunté un chaudron, (2) Je te l’ai rendu intact, (3) Le chaudron était déjà cassé lorsque tu me l’as confié. Naturellement, une telle succession d’arguments inconséquents confirme exactement ce qu’ils sont censés nier – le fait que je t’ai rendu un chaudron cassé… »

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Le président George W. Bush annonce le début de son invasion de l'Irak le 19 mars 2003.

Ne l’oublions pas : Zizek est philosophe. Il a donc en tête cette injonction lancée par Bachelard : avoir « le sens du problème ». Armé donc d’un esprit critique sans faille, et d’une pensée radicale, il essaye de découvrir ce qui se cache derrière la dernière inconséquence de l’administration Bush, l’argument du « lien existant entre le régime de Saddam et Al-Qaeda (qui fut bientôt abandonné,) par la force des choses, au profit de celui de la menace représentée par ce pays pour la région, menace qui pesa ensuite sur l’humanité entière (mais surtout sur les Américains et les Anglais), précisément sous la forme des armes de destruction massive. »

 

Il décrypte toutes les manipulations qui furent orchestrées par cette administration américaine qui pourrait en laisser plus d’un sur le cul lorsque, incapable de mettre « la main sur la moindre arme de destruction massive », elle fut obligée de changer de stratégie prétextant que s’il ne se trouvait « aucune arme de destruction massive en Irak, il exist(ait) d’autres excellentes raisons de renverser un tyran du calibre de Saddam. »

 

À partir de l’analyse de l’aberrante argumentation américaine, Zizek soulève un problème de fond : qu’étaient les véritables objectifs politiques et idéologiques de l’attaque contre l’Irak ?

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Des Irakiens assistent à la chute de la statue de
Saddam Hussein à Bagdad, le 9 avril 2003. PATRICK BAZ / AFP

Pensant hors des sentiers battus, cet intellectuel en marge, sans aucune ressemblance avec ses collègues universitaires à la langue de craie, et aux préoccupations métaphysiques et conceptuelles non des loin des élucubrations philosophiques pour dinosaures de la philosophie, égratigne de son style, et de son franc-parler inimitables l’impuissance des pacifistes, et l’hypocrite empathie pour la souffrance du peuple irakien que ressentirent de nombreux médias, de nombreux régimes démocratiques alors qu’en Irak la guerre continue et le terrorisme grandit et sévit presque quotidiennement.

Mehdi Belhaj Kacem aurait-il raison : « On ne devrait pas avoir à présenter Slavoj Zizek. On ne devrait pas avoir à apprendre aux lecteurs français le nom de l’intellectuel le plus influent aux États-Unis depuis Jacques Derrida. » En effet ! Le style direct de Slavov Zizek, et son ironie feinte à la Socrate en font un penseur inimitable, un écrivain au regard fin et rigoureux qui décrypte avec une pertinence, et une originalité de toute première catégorie une actualité et une époque que l’on tait dans les quotidiens et les journaux de 20 heures.

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L'invasion de l'Irak par les troupes américaines


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