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Entretien avec Waleed Al-husseini

Un ami m'a présenté Waleed Al-husseini, en septembre 2013. Nous avons bien sympathisé. En 2015, il m'apprend que Grasset publiera son premier ouvrage dans quelques semaines, grâce à l'aide précieuse de Pascal Bruckner, suite à la défection des éditions Gallimard. Une fois son livre en main, je suis aussitôt enchanté. Je décide alors de réaliser un entretien avec ce Palestinien, athée d'origine musulmane, et fondateur des Ex-Musulmans de France, autour de son essai Blasphémateur ! Les Prisons d'Allah. Pour l'occasion, nous nous rencontrons dans une brasserie, rue Jacob, à Paris. Cet entretien a été réalisé pour le numéro 5, du Grand Genève Magazine, de juillet 2015. Le voici désormais en accès libre dans l'Ouvroir.

 

waleed al-husseiniMarc Alpozzo : Votre ouvrage Blasphémateur ! Les Prisons d’Allah, relate votre histoire, et précisément votre combat pour défendre vos idées athées contre une forme de dictature religieuse imposée dans votre pays, la Palestine. Vous êtes déclaré ennemi public numéro 1, puis arrêté pour outrage à la religion. Vous avez donc connu les cellules de la Palestine, étant le premier palestinien d’origine musulmane, incarcéré en Cisjordanie pour avoir rejeté l’islam, avant d’obtenir l’asile politique en France. On peut donc dire que vous êtes aujourd’hui un homme libre. Pouvez-vous nous expliquer plus en détails ce parcours ?

 

Waleed Al-husseini : Je suis allé en prison, car j’étais un blogueur, et que j’ai osé écrire des articles en arabe qui questionnaient l’islam et ses positions. Ils ont été reçus comme des critiques sévères de l’Islam. Mais pour moi, qui suis athée, ils étaient légitimes.

 

M.A. : Quelles étaient vos principales critiques ?

 

W. A.-h. : Des sourates concernant les femmes, certaines concernant Mohamet lui-même, les droits de l’homme, pas seulement pour les femmes, ainsi que les arguments dits scientifiques qui sous-tendent et justifient des croyances folles. Pa exemple des explications prétendument scientifiques nettement dépassées aujourd’hui qui légitimeraient de manière très dogmatique et naïve les allégations du livre sacré. Il y a des imans qui croient aveuglément en ces allégations, et il n’est pas possible de proposer la moindre critique. Je ne conteste pas les croyances. Je respecte les croyances des autres, mais par contre, je n’accepte pas que l’on me les impose, et que l’on me condamne parce que je veux quitter l’islam.

 

M.A. : Diriez-vous comme certains le prétendent que le Coran est un livre plein de ressentiment, et d’appels à combattre les non musulmans. J’entends certaines voix s’élever pour dire que c’est un livre totalitariste, un livre de guerre ?

 

W. A.-h. : Oui, je le dis. C’est un livre plein d’ambiguïtés. Il y a deux visages du Coran. Et dans l’histoire arabe, on trouve d’ailleurs de nombreux exemples, comme la révolution iranienne. Au début, c’est une révolution populaire, menée par le peuple, et au bout de quelques mois, le régime est renversé, et le nouveau régime islamiste tue tout le monde. Même chose pour DAECH. C’est vrai que le Coran est un livre contenant du ressentiment et de la haine à l’égard de toute personne qui n’est pas musulmane. Il ordonne de tuer tous ceux qui ne sont pas musulmans. Ce fut d’ailleurs pratiqué par Mahomet, de son vivant, lorsqu’il a expulsé les Juifs de Médine et lors d’une attaque contre les Béni Quraydhah. Il y a les sourates médinoises du Coran qui sont un appel au meurtre pour moi, alors que les sourates de la Mecque en appelaient au dialogue et au débat. Mais il est vrai aussi que tous les musulmans ne sont pas terroristes. Ils ne sont pas nombreux les terroristes, mais il se trouve des terroristes musulmans très radicalisés et c’est un problème, car cela relève de l’islam, cela relève des fondements mêmes de l’islam. Le problème est dans le contenu du Coran, et c’est absolument limpide. Celui qui soutient le contraire est pour moi, aveugle.

 

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Cet entretien dans le Grand Genève Magazine

 

M.A. : N’est-ce pas plutôt un problème de lecture des textes, voire le besoin de dominer et de prendre le pouvoir, légitimé de manière frauduleuse par une lecture partiale du livre sacré ?

 

W. A.-h. : Absolument pas ! C’est dans le livre. Je vous le dis, il y a deux visages du Coran. Il est évident que les terroristes qui ont attaqué Charlie Hebdo, ceux qui ont emprisonné Raëf Badawi en Arabie Saoudite, ceux qui m’ont emprisonné et torturé, sont les mêmes que tous ceux qui confisquent la liberté, combattent la libre-pensée, interdisent la liberté d’expression. Ils veulent briser nos stylos, plus percutants que leurs armes. Ils veulent soumettre l’humanité et ramener les hommes et les femmes à l’état de brebis dociles. Mais ce qui est moins dit, c’est que les extrémistes puisent leur idéologie dans certains passages du texte coranique qui véhiculent la haine et prônent l’assassinat de l’autre. Ils s’appuient sur une kyrielle de fatwas, elles-mêmes inspirées du Coran ou présentées comme son interprétation. Ils disent appliquer les enseignements des Oulémas. En réalité, c’est le prophète lui-même qui a une double personnalité. Il a fait décapiter les poètes qui osaient le critiquer par le verbe, tout en encourageant d’autres poètes à dénigrer ses adversaires. A l’image de son auteur, Mahomet, le Coran contient beaucoup d’appels au meurtre, à la destruction et à l’exclusion.

 

M. A. : Vous êtes clairement athée, et reconnu comme tel, par vos textes et vos prises de position, et c’est d’ailleurs ce qui vous a valu les problèmes que vous avez rencontrés avec l’Autorité palestinienne. Cette autorité se déclare laïque, vous dîtes néanmoins dans votre livre qu’il n’est pas possible d’être athée en Palestine. Pourquoi ?

 

W. A.-h. : Il y a plusieurs raisons à cela. Pas seulement dans l’Islam, mais dans les pays arabes. D’abord, pour le gouvernement, le sécularisme n’est pas admis, et ils ne toléreront jamais la moindre opinion qui relève de l’athéisme. Qu’une seule croyance est acceptée : la croyance religieuse. Par ailleurs, leur intolérance est telle qu’ils n’acceptent qu’une seule croyance musulmane : la croyance sunnite. La croyance shiite est bannie de la même manière. J’en parle clairement dans mon livre. Aussi, la société, et là je ne parle pas du gouvernement, ne vous acceptera pas si vous êtes différent. C’est d’ailleurs pourquoi la société est fragmentée en plusieurs communautés, et que les Juifs ou les Chrétiens sont en grande partie rejetés. Pour les athées, c’est la même chose. Il y a le même rejet général !

 

M.A. : Mais justement dans votre livre, vous posez la question : pourquoi est-il interdit de ne pas croire aux textes sacrés ?

 

W. A.-h. : Je suis né dans une famille musulmane. Mais ce n’est pas un choix. Puis, j’ai réfléchi à ma religion de naissance. Je l’ai questionnée. Je le raconte dans ce livre. Pour autant, lorsque vous êtes né dans une famille musulmane, vous n’avez pas le droit de questionner votre religion. Et si vous le faites, et que vous tentez de quitter l’islam, pour eux, vous êtes juste bon pour la peine de mort ! Il n’y a donc pour moi, aucune différence entre l’islamisme et l’islam. Ce que j’observe, c’est ce qu’ils font à l’intérieur de l’islam. Et l’islam, pour moi, ça n’est pas bien différent des pratiques habituelles de DAECH. J’imagine bien que je vais choquer quelques lecteurs, mais je le dis, ce que DAECH réalise dans le monde, c’est en étroite correspondance avec une lecture littérale du texte sacré. Je ne vois guère de différences.

 

M.A. : Vous connaissez le Coran par cœur. Cependant, lorsque vous êtes interrogés par les gros bras de l’autorité palestinienne, et que l’on vous questionne sur ce que vous avez écrit, vous réalisez que vous avez lu et compris le Coran, alors que ceux qui vous interrogent ne l’ont pas lu du tout. Ce qui vous fait dire que la foi et la croyance sont plus de l’ordre de l’aveuglement que de la raison. Ne serait-ce pas surtout un problème politique ?

 

W. A.-h. : Oui, bien sûr, j’ai lu le Coran et je le connais pas cœur. Et dans mes textes, j’ai questionné les différents islams (sunnite, chiite, salafiste, sunni), leur histoire, leur légitimité, leurs effets sur les gens. Eux, ces gens, n’ont pas cherché a argumenté ou contre-argumenté, ils m’ont tout simplement répondu que je n’avais pas le droit de faire ça. Je suis d’accord que cela à voir avec la politique, et principalement le conflit avec Israël. C’était d’abord selon eux un problème arabe, puis musulman, et maintenant cela devient un problème islamique. Mais si j’étais un jour tué, ici, à Paris, par un intégriste, dans un pays républicain et démocrate, je ne serais pourtant pas surpris. Pour ces gens, toute critique du Coran doit être combattue et bannie, par la mort s’il le faut ! Alors que tout devrait pouvoir être soumis à la critique ! Il est donc important et urgent d’unifier nos discours à l’échelle internationale et d’unir nos efforts pour assécher cette idéologie qui favorise la barbarie. Je crois qu’une vraie réforme en profondeur de l’islam est nécessaire, car elle sauvera l’islam d’abord, et elle épargnera à l’humanité tout entière les dérives haineuses de cette idéologie.

 

M.A. : Vous avez fondé le Conseil des Ex-Musulmans de France (CEMF). Pouvez-vous nous en dire plus, et expliquez brièvement ici ses objectifs, en France et en Europe, puis pour le monde musulman ?

 

W. A.-h. : Nous avons choisi cette dénomination pour dire aux sociétés européennes : il y a des personnes qui portent des noms arabes, il se peut qu’ils soient nés de pères musulmans, mais ils ont quitté l’islam. Il y a de plus en plus de musulmans qui veulent quitter l’islam. En même temps, il y a des gens sur le territoire français qui sont presque plus violents vis-à-vis de ce choix que dans mon propre pays. Nous énonçons de grands principes donc, afin que les musulmans athées ne soient plus pourchassés et persécutés dans leurs pays respectifs, et leurs pays d’adoption. Nous ne voulons plus que l’on ferme les yeux sur les versets coraniques qui incitent les musulmans à tuer. Nous voulons que cette violence soit mise au ban, et que les choses soient appelées par leurs noms. Je crois qu’il n’y pas un musulman civilisé (modéré) et un musulman extrémiste. En fait, les deux se réfèrent à la même constitution, à la même règle directrice qui leur est propre, et c’est le Coran.

 

waleed al-husseini

Waleed Al-husseini, réfugié à Paris

 

À propos de Blasphémateur ! Les prisons d’Allah, traduit de l’arabe (palestine) par Chawki Freiha, Grasset, 2015. 

(Paru dans le Grand Genève Magazine, n°5, juil-août-sept 2015)

Commentaires

  • Enfin un texte vrai et sincère. Je me dis à tous les jours qu'un musulman intelligent qui lit vraiment le Coran et réalise les ambiguïtés qu'il contient décidera de ne plus pratiquer cette religion. Bravo Monsieur et merci de votre franchise.

  • Merci.

  • Marc Alpozzo, vous qui êtes écrivain, philosophe, professeur ne pensez-vous pas que l'enseignement de l'histoire des religions devrait être donné dès l'école primaire aux élèves? cet aperçu des milliers de religions et des millions de dieux et déesses qui ont peuplé les civilisations minimiserait l'importance des trois monothéistes d'aujourd'hui et relativiserait la Bible, la Thora, le Coran, légendes souvent farfelues.

  • Merci Marc pour cet entretien très intéressant. Vous posez à Waleed une question fondamentale : "N’est-ce pas plutôt un problème de lecture des textes, voire le besoin de dominer et de prendre le pouvoir, légitimé de manière frauduleuse par une lecture partiale du livre sacré ?". Sa réponse est claire et limpide, tout comme lorsqu'il évoque Daesh. Encore faut il avoir lu le coran, même si sa lecture n'est pas très réjouissante. Je suis effaré par ceux, hommes politiques compris (et peut être surtout eux) , qui ne l'ont jamais lu et se permettent de critiquer toute critique.

  • Emouvant entretien, merci. Pourvu qu'on ne le touche pas! Ni Kamel Daoud.

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