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Entretien avec Dominique Motte. Sur quel modèle est fondée la démocratie ?

Dominique Motte est suisse par sa mère et français par son père. Durant de nombreuses années dans les affaires, avant d’être consultant, il rachète l’IFOP en 1988. Homme de terrain et d'engagements, sa connaissance du monde des affaires et des enjeux législatifs lui ont inspiré des milliers de notes afin d’établir et réfléchir au meilleur modèle démocratique. Serait-il français ? Américain ? En réalité non, le seul exemple qui l’emporte à ses yeux et l’exemple suisse. De la démocratie en Suisse (La Route de la soie, 2021) est un ouvrage qui se présente comme un dictionnaire et qui nous instruit sur un modèle démocratique que la France serait bien inspirée de copier... Je l’ai rencontré dans un restaurant du XIVe arrondissement de Paris. Il en est ressorti cet entretien qui est paru dans Boojum. Il est désormais en accès libre dans l’Ouvroir.

suisse.pngMarc Alpozzo : Vous nous proposez un dictionnaire de la démocratie, intitulé De la démocratie en Suisse (La Route de la soie, 2021), réponse évidemment subtile à Alexis Tocqueville et son De la démocratie en Amérique. Pourquoi ce titre ? Prétendriez-vous que la vraie démocratie se trouve du côté de la Suisse ?

 

Dominique Motte : Un des grands outils de la démocratie est le principe de la subsidiarité déjà mis en œuvre par Aristote, élève de Platon, dans les années 350 av. J.-C.

L’apparition des Etats-Unis quelques années plus tard donna l’occasion à Abraham Lincoln en 1863 de déclarer… du peuple, par le peuple, pour le peuple.

Quelque part au milieu de ces siècles, en août 1291, quelques représentants de trois tout petits cantons primitifs, se sont rencontrés secrètement pour mettre en commun leurs forces afin de contrer les baillis autrichiens et prêter serment. Ils conservaient leurs pouvoirs régaliens tout en créant ex nihilo une confédération qu’ils nommèrent Suisse, eux-mêmes s’appelant confédérés, et surtout sans capitale et sans président. Seule une assemblée de députés appelée Diète fédérale dès les années 1500, perdurera jusqu’au 12 septembre1848, date de la nouvelle constitution moderne.

Alexis de Tocqueville, sur la base de plusieurs séjours en suisse et du livre critique édité en 1843 « de la démocratie en suisse « d’Antoine-Elisée de Cherbuliez, suisse de son état, déclarait le 15 janvier 1848 concernant la démocratie suisse : » on peut dire inédit dans le monde... le système suisse est exemplaire... démocratie pure... » termes qui valent reconnaissance.

Je plaide pour plus de 730 années de démocratie, certes peu formalisée dans ses débuts, employée comme outil de gestion de la mise en œuvre de la politique. A rapprocher des résultats économiques, industriels, financiers, sociaux, etc. obtenus aujourd’hui.

Alors oui je pense réellement que vers chez les suisses se trouve la vraie démocratie directe !

Ils l’ont prouvé, et ne l’ont pas usurpé.

 

M. A. : À l’entrée « Démocratie », vous écrivez : « La démocratie est le régime politique dans lequel la souveraineté est détenue par le peuple, c’est-à-dire que toutes les institutions et décisions politiques ont pour fondement un consentement du peuple. » Avec le référendum français en 2005, qui a obtenu une majeure partie de votes « Non », bafoué en 2007, on peut dire que la France est le mauvais élève de la démocratie, si l’on s’en tient à cette définition de la démocratie. Comment appelez-vous la démocratie en France ?

 D. M. : Je me permets de rectifier une petite inexactitude. Quand vous dites que toutes les décisions politiques ont pour fondement un consentement du peuple, il faut comprendre que le peuple ne vote pas les lois qui sont elles votées par l’assemblée fédérale. Mais un citoyen peut, en cas de désaccord avec une loi votée, déposer une initiative populaire pour la faire modifier voire la retirer.

Je ne dirais pas que la France soit un mauvais élève, je ne le crois pas. Mais alors on parle de démocratie indirecte dite représentative comme il y en a des dizaines dans le monde que je préfère ne pas citer. Je reconnais qu’il faudrait établir les critères des appellations démocratie permettant de faire apparaître les différenciations.

Je dois avouer que je ne connais pas la différence entre un référendum du 28 octobre 1962 à partir duquel on modifie l’article 11 de la constitution, et un référendum du 29 mai 2005.

C’est un peu comme celui organisé pour l’aéroport de Nantes, on peut appeler cela un sondage d’opinion. Ou alors quand en 1969 on vote pour un double objet sénat/avenir de l’exécutif, je dois dire que vu de suisse qui vote pour un référendum=un objet, une certaine confusion s’installe.

 Le référendum en suisse est au-dessus de toutes les institutions y compris l’assemblée fédérale et fait l’objet de l’article de la constitution article 140.

 

 M. A. : À l’entrée « Démocratie directe », vous écrivez que « le peuple prend part aux décision politiques du pays par le droit de vote, mais il peut également soumettre des idées et modifier les lois ». Les soupçons en générale à propos de la proposition du R.I.C. qui était au centre des revendications des Gilets jaunes et dont l’objectif était de faciliter la consultation du peuple, sans associer le Parlement en amont comme c’est le cas pour le référendum dit « d'initiative partagée » tant chez les hommes politiques de tout bord que dans l’opinion. Pourquoi pensez-vous, que la démocratie directe fasse tant peur en France, et quel sera sa plus-value pour le peuple français ?

D. M. : Je dirais tout d’abord qu’il faudrait que chaque citoyen cherche à se comporter comme un souverain. Ce qu’il est.

Voilà quatre thèmes qui permettraient un changement de comportement pour éloigner cette peur.

Peut-être intégrer le fait qu’il est moins humiliant d’obéir à un pouvoir qui se présente comme émanent de nous-mêmes, que de subir la contrainte d’une force directe et extérieure. Nous avons eu notre Guillaume Tell !

Peut-être intégrer la phobie d’un pouvoir concentré et tout puissant.

Peut-être constater que les grandes inflexions sont inexistantes en Suisse.

En tous cas accepter le 50.1% et donc forcément la proportionnelle.

Vous constaterez alors que les problèmes se résolvent comme par enchantement. Vous pouvez suivre les 41 objets en cours de signature ; au début 2022 il y avait 23 initiatives et 18 référendums.

Quant à participer à une initiative populaire partagée, c’est pour moi inconcevable étant donné que c’est un droit de tout citoyen pris individuellement, de mettre en cause une loi votée justement par l’assemblée fédérale. Pourquoi voulez-vous qu’il s’associe avec ceux qui ont votée la « dite » loi ? C’est juste une ineptie.

 

 M. A. : Actuellement la Constitution française prévoit la possibilité d'un référendum dit « d'initiative partagée », pouvant être lancé par un cinquième des membres du Parlement, soutenus par un dixième des électeurs, soit plus de 4,5 millions de personnes ? Qu’en pensez-vous ?

 D. M. : Si je peux me permettre de vous demander de quand date cette possibilité 2008 - 2013

2014 -2015 ? et combien de référendum de ce type ont été organisé ? Je pense 0 !

C’est juste une blague.

 M. A. : Votre dictionnaire est très riche et mérite le détour. Je ne pourrais m’attarder sur chaque entrée, mais il suffit de s’arrêter sur son sommaire, qui est prolongé d’ailleurs par votre site, pour comprendre que la démocratie en Suisse est très complète. Que vous a inspiré cette mise au ban, en 2017, d’un parti politique en France, le R.N., par l’ensemble de la presse, ou presque, alors que sa présidente, Marine Le Pen, arrivait au second tour de l’élection présidentielle, représentant 7 678 491 de voix, soit 21,30% des suffrages exprimés, sans compter les élus et journalistes qui demandent aujourd’hui, à ce que l’on interdise Éric Zemmour d’antenne ? Pensez-vous que c’est un déni de démocratie ?

 D. M. : Si vous êtes favorables au référendum, comme beaucoup de candidats à la présidentielle, et non des moindres, vous êtes forcément pour le proportionnelle intégrale.

C’est inconcevable autrement.

 

Par ailleurs l’article 16 de la constitution suisse stipule que toute personne a le droit de former, d’exprimer, et de répandre librement son opinion.

 

Je sais que certains dirigeants n’ont pas bien retenu la leçon : Vladimir Ilitch Oulianov dit Lénine, Benito Mussolini, Kim Jong-Un, et sont rentrés chez eux après des séjours de plusieurs années en Suisse, sans avoir lu l’article 16.

 

Alors conseillez vos élus et journalistes de bien lire notre article 16 !

 

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Dominique Motte en compagnie de son attachée de presse Guilaine Depis

 

Dominique Motte, De la démocratie en Suisse, La Route de la Soie Editions, 2021.

En couverture :
Discours funèbre de Périclès / Philipp von Foltz via Wikimédia Commons

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