Barbara Lefebvre, La France en question
Le livre de Barbara Lefebvre, paru chez Albin Michel, sous le titre C’est ça la France... et sous-titré Qu’a-t-on fait pour mériter ça ? est un constat sans appel d'une France en véritable banqueroute culturelle, perdant la tête et empêtrée dans des problèmes identitaires abyssaux. Cette recension est parue dans la revue en ligne Boojum. Elle est désormais en accès libre dans l'Ouvroir.
Barbara Lefebvre s’est fait connaître avec un livre plutôt brillant : Génération « j’ai le droit ». Elle a également écrit et publié Une France soumise et Les territoires perdus de la République. Écrivant à propos des hontes françaises et des délitements de la République, Barbara Lefebvre accomplit un travail minutieux et précis à, propos des nouveaux enjeux de l’hexagone, empêtrée dans ses contradictions, ses lâchetés, ses aveuglements et ses impuissances.
Enseignante dans le secondaire, professeur d’histoire-géographie, Barbara Lefevbre est une essayiste qui n’a pas froid aux yeux et n’hésite pas à regarder les choses en face, autrement dit cette France orpheline d’elle-même, qui a détissé les fils entre les générations, cette France contre les cathos, cette France qui s’enterre, cette France coupée en deux, prise en otage d’une « logique binaire « gentils progressistes » contre « méchants nationalistes », et qui a abandonné l’idée de Nation pour des raisons historiques un peu naïves.
Abolition de la nation pour transformer les hommes en nomades, sentiment post-national jouant énormément avec notre propre considération de l'histoire de France, au point de transformer nos héros de guerre en bouchers ou en victimes (lisez le passage saisissant intitulé « Gommer l’histoire de France »), constamment plane ce détestable « culte victimaire » qui alterne avec l’hypercapitalisme, le communautarisme, le rejet de l'identité française, le rejet de la culture française, jusqu’au délitement total.
« La nation est un monstre, l’identité nationale est luciférienne, l’État a des penchants naturellement génocidaires. Quelle figure consensuelle incarne le peuple français aujourd’hui sinon la victime, dans cette société qui ne pense plus que sur le registre de l’émotion ? La souveraineté victimaire aspirerait-elle à remplacer la souveraineté nationale ? »
Les obsédés de la race, les obsédés du genre sont en train d’absorber l’idée de nation au point de rechercher à détruire l’identité nationale, et inspirer la honte d'être français. Les multiples salves de l’auteur montrent que la France est en train de devenir un conglomérat de clans. Pourtant, dit-elle avec justesse : « La culture qui fonde une identité nationale n’est grande que si l’on démontre qu’elle est le résultat de mélanges, de métissages, de polyphonies. » Cela parait évident, non ?
Eh bien, pas tant que ça ! Voilà qu'elle rajoute : « Toute tentative de valoriser son unité, son homogénéité est identifiée à une manœuvre d’exclusion, une vision xénophobe voire raciste. »
Emmanuel Macron
Les constats jalonnant cet essai sont glaçants, le bilan d’une catastrophe générale due à des manipulations idéologiques, médiatiques et politiques additionné à une méconnaissance de l’histoire patente, comme celle concernant la colonisation et l’esclavage, conduit notre pays à se livrer à un auto dénigrement permanent. La virulence des débats publics, « le degré d’hystérisation sur tous les thèmes touchant à l’histoire et à l’identité nationale », cette tendance systématique et acharnée à gommer la notion de patrie ainsi que le support d’identification à l’identité de la France est d’emblée contre-productif, rendant la paix et le vivre-ensemble quasi-impossible, au point de donner peut-être raison à un ancien ministre de l’Intérieur, prédisant que les communautés vivant côte à côte seront bientôt face à face.
Un livre lucide et pessimiste, qui est une sorte de piqure de rappel, pour mieux comprendre le chaos national dans lequel, hélas, nous vivons, et pour comprendre cette France qui, bien trop souvent, vit dans le déni.
Barbara Lefebvre
Barbara Lefebvre, C’est ça la France... Qu’a-t-on fait pour mériter ça ? Albin Michel, mars 2019,
Commentaires
Excellent ! Voilà le livre qu'on aurait voulu avoir écrit, tout ce qu'elle dit me convient parfaitement !
" Quelle figure consensuelle incarne le peuple français aujourd’hui sinon la victime, dans cette société qui ne pense plus que sur le registre de l’émotion ?"