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Le péril Woke

On entend dire dans la presse (on dira plutôt de gauche) que le wokisme est un humanisme. Je pense tout le contraire. Le wokisme est un péril, et sa révolution culturelle n’est pas une révolution morale, mais une purge culturelle de très grande ampleur. Il est temps de tirer la sonnette d’alarme. Je le fais dans cette nouvelle tribune, poussé par une nouvelle actualité dans « l’affaire Sylvain Tesson », qui est parue dans Entreprendre. À lire et à partager. Désormais en accès libre dans l'Ouvroir.

L’affaire Tesson, qui succède à l’affaire Depardieu, est symptomatique d’une époque malade. À la suite d’une pétition signée par plus de 1200 artistes se disant poètes, et paru dans Libération, Sylvain Tesson est empêché de parrainer cette année le Printemps des poètes. La directrice artistique Sophie Nauleau démissionne. Alors, certes, si l’affaire peut sembler exceptionnelle, voire négligeable, elle est au contraire significative.

 

De l’« icône réactionnaire », telle que cette pétition qualifie Tesson, à la directrice artistique, Sophie Nauleau, c’est précisément la seconde qu’on vise, en salissant l’honneur et la vie du premier. Libération, ayant remis le couvert, se demande : « La question n’est pas Sylvain Tesson, c’est : qui l’a nommé parrain ? » Et, derrière Sophie Nauleau, attaquée jusque dans sa vie privée, c’est l’institution que l’on vise. La guerre des Woke s’attaque à tout ce qui ne ressemble pas à l’idéologie de ses militants. On juge le Printemps des poètes classique et poussiéreux, on lui reproche de ne pas faire une place de choix aux poèmes venus de TikTok, le Nouveau Monde aura la peau de l’ancien, la révolution morale la peau de l’ancienne morale, et même si cela doit passer par des méthodes peu morales. La fin justifie les moyens. Point barre.

 

Le wokisme n’est pas une avant-garde culturelle

Or, si l’attaque en règle eut l’effet inverse attendu, explosion des ventes des livres de l’auteur, notamment son dernier Avec les fées (Éditions des Équateurs, 2024) qui n’a plus besoin de publicité pour écouler des centaines d’exemplaires en librairie, une tribune de soutien signée par plus de trente intellectuels et écrivains, paru dans le Point, et relayé un peu partout, jusqu’en Israël et en Algérie, les pétitionnaires qui se sont presque dédiés, en refusant de s’expliquer sur leur pétition, notamment ses trois initiateurs : Baptiste Baulieu, Chloé Delaume, Jean D’Amérique, la polémique a surtout révélé l’ampleur et le danger que cette « cabale effarante, consternante pour ne pas dire monstrueuse », selon l’ancienne directrice du Printemps des poètes, représente. Si Sylvain Tesson ressort de cette grande conspiration renforcé, si Sophie Nauleau est démissionnaire suite aux pressions, ce n’est pas seulement la poésie qui a été ici attaquée, ce n’est pas seulement la littérature ou la liberté de pensée, c’est la cohésion de notre société, sa concorde, sa philosophie et ses valeurs.

 

Le wokisme n’est pas une avant-garde culturelle. C’est au contraire une purge culturelle.

 

Alors, certes, les pétitionnaires, en partie incultes[1], ont confondu une préface signée par Tesson du livre de voyages de l’écrivain Jean Raspail avec son roman Le camps des saints. Ils ont accusé l’écrivain-voyageur d’être un « réactionnaire », sur la base d’une enquête menée par le journaliste François Krug, qui l’accuse d’appartenir à l’« extrême droite littéraire », entendez un courant littéraire proche de Michel Houellebecq et Yann  Moix. L’objectif de Libération, et de l’extrême gauche, étant finalement très simple : faire un strike. Avoir la peau de Sylvain Tesson et Sophie Nauleau en un coup doublé. La méthode est instructive : faire un coup de force, en réunissant un maximum de personnes, revendiquées poètes ou artistes. 1200 personnes contre 2. Et l’attaque d’être commode : exercer des pressions psychologiques, médiatiques, politiques et morales sur tout le monde.

 

Aussi, de par son passé peu glorieux, l’accusation d’appartenir à l’extrême droite est devenue un anathème fatal. Personne ne résiste à cette charge. Le grief en soi vaut pour discrédit. La méthode, proche des techniques trotskistes, est à la fois ravageuse pour la victime mais un tiercé gagnant pour les attaquants. La stratégie name and shame est d’une logique inexorable, et permet aux militants woke de gagner à tous les coups et de pousser leur agenda, en transformant ce qu’ils appellent avec mépris l’ancien monde, par la force et la soumission. L’objectif étant de gouverner par la peur. La morale woke se présentant comme une forme de moralisation coercitive de la société, contraignante et asservissante. Celui qui dérogera à la règle morale émanant de l’idéologie des militants sera systématiquement condamné au bûcher social. Si, donc, les lois juridiques ne sont que rarement rétroactives, les lois morales woke le sont au contraire. Et, comme chez Orwell, les 4 minutes de haine visent des gens les uns après les autres.

 

Ne soyons pas naïfs

Le wokisme envahit toutes les sphères de la société, littérature, cinéma, télévision, ressources humaines des entreprises, l’intelligence artificielle de Google et Facebook, son conformisme moral se généralise partout, infiltre l’école et la vie privée, avec cette tentation de rééduquer les esprits en conformant les pensées de chacun à ses dogmes idéologiques. Le péril woke s’est révélé fracassant dans cette affaire Tesson, même si la société civile a réagi aux attaques inadmissibles et insoutenables, il faut dire que cette pétition publiée par Libération était grotesque, mal ficelée, mal pensée, au point de désavouer à elle seule ses pétitionnaires. Ne soyons pas naïfs pour autant, cette hystérisation de la morale bon teint dans une époque où l’on joue les enfants de chœur, se promet d’être ravageur dans le temps. Il ne faut pas oublier que ce fut presque toujours, dans l’histoire, les minorités actives et violentes qui transformèrent la société. Et si nous sommes, pour la plupart, pacifiques, cette horde de militants gauchistes et belliqueux a en revanche des méthodes brutales, féroces, et ils n’hésitent pas à attaquer une personne à plusieurs (les pétitions signées par plus d’un millier de vrais ou faux artistes deviennent une habitude).

 

Ne soyons pas naïfs, la révolution culturelle woke est une vraie menace, menée par une génération d’offensés au berceau, offensés professionnels qui n’ont qu’une obsession : cibler et détruire. Cette moralisation à pas de charge de la société française n’est pas seulement une sorte de dérive morale, c’est une tentative de changer nos valeurs, de les conformer aux idéaux d’une jeunesse perdue, psychotique, atteinte d’hypersensiblité, allergique à la frustration. C’est une révolution culturelle menées par des révolutionnaires sans cœur ni empathie, des Robespierre acharnés, des coupeurs de tête sans discernement.

 

Ne soyons pas naïfs, le péril woke n’est pas le péril de quelques-uns. C’est le péril de tous, et Sylvain Tesson et Sophie Nauleau n’en sont que les dommages collatéraux d’aujourd’hui. Ils sont surtout, la prédiction funeste de notre propre destin, si nous ne réagissons pas très vite et collectivement.

 

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[1] Voir à ce propos la tribune du philosophe Daniel Salvatore Schiffer dans Le Point du 26 janvier 2024, « Sylvain Tesson face aux traîtres penseurs du wokisme ».

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