Entretien avec Erik Andler et Jean-Marc Bastière « Si le temps marque notre finitude, il n'est pas fatalement un malheur »
Le temps est un mystère. Mais qu’est-ce que le temps ? L’artiste Erik Andler qui expose pour la première fois à Paris consacre une œuvre au temps. Jean-Marc Bastière, philosophe et journaliste au Figaro a consacré un très beau livre au temps Les sept secrets du temps (Stock, 2018). À l’occasion de l’exposition d'Erik Andler qui s’intitulera « Distorted Date » et qui aura lieu du jeudi 09 (vernissage) au jeudi 23 février (clôture) 2023 à l'Hôtel La Louisiane dans le VIème arrondissement de Paris, j’ai profité d’un tour de table pour en savoir plus sur le temps, même si cette notion est l’une des plus complexes en philosophie. Cet entretien est paru dans le site du mensuel Entreprendre. Il est désormais en accès libre dans l'Ouvroir.
Marc Alpozzo : Bonjour Erik, Bonjour Jean-Marc, tous les deux, vous avez travaillé sur la question du temps. On connaît tous, la célèbre remarque de Saint Augustin, « Qu'est-ce donc que le temps ? Si personne ne me le demande, je le sais ; mais si on me le demande et que je veuille l'expliquer, je ne le sais plus. » Précisément, à propos du temps, que diriez-vous ?
Erik Andler : Bonjour Marc, Bonjour Jean-Marc. Merci Marc de m’accueillir pour ce tour de table sur le « Temps ».
Pour moi, le temps est une notion complexe. Aussi, avant de s’interroger sur le « Temps », il me semble nécessaire de se demander de quel « Temps » nous parlons ? En effet, le temps, couvre un spectre très large qui va, entre autres, de la philosophie à la physique en passant par la métaphysique, les neurosciences et également la physique quantique.
De mon point de vue, si le « Temps » reste, encore aujourd’hui, insaisissable, c’est un élément universel qui est l’une des clefs de la compréhension de l’Univers.
Jean-Marc Bastière : Bonjour Marc, bonjour Erik. Que dire après saint Augustin ? Le temps, les poètes le contemplent, les philosophes l'interrogent, les physiciens le mesurent. Et des artistes, comme Erik, le dessinent et le peignent avec inspiration, nous ouvrant des portes insoupçonnées ! Je dirais que le temps hante tout un chacun. Mais, insaisissable, il nous échappe toujours. Qu’on le veuille ou non, on se bat sans cesse contre ce fantôme intime dont l'existence impalpable se manifeste à chaque instant. Pourtant, il n'y a rien de moins abstrait - et de plus physique - que le temps. Il n'existe qu'incarné, peuplé pour moi de visages et de paysages, de voix humaines et de sons familiers, d’effluves de pain chaud et de feuillages après la pluie, de pêches mûres et de poisson grillé sur la plage, de baisers furtifs et d'étreintes tendres avec des êtres chers.
A contrario, la contemplation des « peintures de date » d’Erik - chiffres vivants, traversés de torsions et de vibrations - nous fait ressentir la tension intrinsèque entre l'espace et le temps en déchirant le voile des évidences sensorielles, tandis qu'un peintre comme Eugène Boudin aimait, lui, croquer un ciel de nuages à un instant unique.
Erik Andler : photo prise en juin 2022 lors d'une exposition à Lyon
M. A. : Erik, vous êtes peintre, et vous avez commencé la peinture en autodidacte. Vous avez débuté par une période de réflexion, puis en 2010, vous avez commencé à peindre sur du papier, en vous réappropriant formellement l’esthétique picturale des « Date Paintings » d’On Kawara. En 2012, vous réalisez votre première peinture sur toile de lin « NOV, 11. 2011 ». Vous poursuivez dans votre œuvre, une démarche plastique qui fait écho aux travaux scientifiques développés à travers les siècles. Vos peintures interrogent sur le temps, sa perception, sa réalité, sur l’espace aussi. Pourtant, au-delà de ces grandes questions du temps et de l’espace, qui sont des formes a priori de notre sensibilité selon Kant, votre travail nous questionne sur notre quotidien, notre monde et sur l’univers. Pourquoi ce choix ? Pourquoi cette orientation ? Est-ce que votre but est de mélanger des questionnements philosophiques à une représentation esthétique ?
E. A. : Marc, pour être franc, mon travail n’est pas orienté par un choix. Les œuvres que je crée naissent d’une inspiration suscitée par des questions qui m’habitent profondément.
Aussi, mon but n’est pas de mélanger des questions philosophiques à une représentation esthétique. Mon orientation est bien différente. Je présente, au travers, de mes créations, et en particulier, des « Distorted Dates » ma vision du « Temps », mais également ma perception de nos sociétés, du monde qui nous entoure et de mon ressenti sur l’Univers.
M. A. : Jean-Marc, vous être critique littéraire au Figaro, et rédacteur en chef du mensuel Histoire & Civilisations, et vous avez publié de nombreux ouvrages, sur la jeunesse, Dieu, la religion, la prière, et un livre particulièrement marquant sur le temps, Les sept secrets du temps (Stock, 2018) [paru aussi en poche au Seuil, chez Points vivre, 2019]. Vous avez réalisé un vrai texte de philosophie, votre ouvrage étant une méditation poétique sur le temps, ce bien précieux, qui nous fâche, nous presse, nous lâche. Est-ce que vous avez écrit ce livre, parce que le temps serait notre malheur, duquel vous comptez nous libérer ?
J.-M. B : Si le temps marque notre finitude, il n'est pas fatalement un malheur. On peut simplement se méprendre sur lui. Pourquoi ? Parce que le temps, comme la vie, n'est pas un dû mais un don. Comme de l'eau pure qui nous est offerte ou une grâce qui nous est octroyée. L'attitude première que nous devrions cultiver est la reconnaissance, parce que nous avons le privilège d'être vivant et que ce temps précieux dont nous disposons, il ne tient qu'à nous de l'habiter de tout notre cœur.
Ce temps, bien sûr, nous pouvons en faire notre malheur si nous cherchons à l'accaparer comme un trésor, si nous nous cramponnons à lui de façon désespérée, si nous cherchons à retenir son écoulement inexorable, entre un passé qui n'est plus, un présent qui s'évapore et la mort qui se rapproche ! Il ne faudrait pas grand-chose, pourtant, pour que le temps ait un goût de bonheur. Une pincée de confiance pourrait suffire ! Cette allégresse volontaire n'élude pas, bien sûr, l'angoisse, la tristesse et le tragique de l'existence.
Ma seule préoccupation, c'est de faire remonter à la lumière ce que le lecteur porte déjà en lui. Loin de moi, donc, l'idée de libérer les autres du temps ! Être un passeur, oui, peut-être.
M. A. : Jean-Marc, vous nous proposez dans ce livre d’acquérir la « sagesse du temps », dites-vous, ce qui reviendrait à vivre heureux et paisible, en nous dévoilant ses sept secrets. Mais quels sont-ils exactement ? Pouvez-vous nous en proposer un bref résumé ?
J.-M. B. : La sagesse, à vrai dire, n'est pas un long fleuve tranquille ! Et trouver la joie et la paix peut passer par un long et dur combat intérieur – aussi « brutal » qu'une « bataille d'hommes », écrit justement Rimbaud. En réalité, même si le contenu est philosophique et surtout spirituel, j'ai voulu, non sans plaisir et amusement, me glisser dans la forme particulière des ouvrages de développement personnel. Après la lecture d'un livre qui m'a touché et même bouleversé, ai-je remarqué, l'émotion se dissipe vite, très vite, trop vite. Une fois le volume remisé dans sa bibliothèque, nous oublions presque aussitôt l'essentiel. Nous passons à autre chose. Les livres nous changent-ils ? Oui, je le pense, mais lentement, par imprégnation, tout au long de la vie. Le type d’ouvrage dont la manière m'inspire ici peut aider, sans rien céder, bien sûr, sur le fond, à cette assimilation.
Ces sept « secrets » sont comme des sentiers de montagne. Ils nous mènent vers la contemplation d'un seul mystère : celui du temps. Le premier : ou comment ne pas subir le temps en changeant ma perception et mon attitude. Le deuxième : ou comment trouver le bon tempo pour suivre mon désir fondamental. Le troisième : ou comment, contre les voleurs de temps, mener une vie véritablement créative. Le quatrième : ou comment dépasser un individualisme étroit en inscrivant mon organisation personnelle dans une culture vivante qui la porte. Le cinquième : ou comment réussir les passages, c'est-à-dire rendre à chaque jour sa saveur unique et à chaque âge sa vocation propre. Le sixième : ou comment, contre le mirage du passé, l’utopie de l'avenir et la tyrannie de l'instant, rendre au présent son éternelle présence. Le septième : ou comment concilier notre appréhension humaine d'un temps qui nous est compté avec ce qui échappe au temps.
M. A. : Erik, puisqu’on parle du temps retrouvé, c’est en juillet 2016, que vous avez effectué un voyage d’étude à Barcelone tout à fait déterminant, puisque vous avez ressenti le besoin de vous détacher de l’emprunt formel pour travailler une forme plus personnelle, et c’est dès votre retour à Lyon, que vous avez commencé à utiliser la forme de la date définit par la norme internationale ISO 8601, qui est la norme spécifiant la représentation numérique de la date et de l’heure, et qui est une notation, créée en 1988, destinée à éviter tout risque de confusion dans les communications internationales due au grand nombre de notations régionales différentes. Quel étrange choix, non ? Quelle en est l’origine ? Est-ce qu’on se lève un beau matin, et que l’on se dit que l’on va travailler sur la représentation numérique de la date et de l’heure ? Lorsque vous avez exposé vos toiles pour la première fois, quelles ont été les réactions des gens ?
E. A. : Marc, à l’époque, je recherchais une représentation plus personnelle et également plus harmonieuse de la date. Et c’est un matin, en prenant un café dans un coffee shop de Barcelone que j’ai eu cette idée d’utiliser la forme de la date définie par la norme ISO 8601 pour mon travail.
Lors de ma première exposition, les réactions des gens étaient très intéressantes. Les personnes étaient très surprises par mes peintures. En particulier, par les « Distorted Dates ». Les gens étaient particulièrement intrigués par les déformations peintes sur la toile. Mais, également, beaucoup de personnes me disaient qu’en regardant mes oeuvres, ils ressentaient une grande sérénité et de l’apaisement.
M. A. : Justement, votre travail artistique, Erik, pose des questions, peut-être personnelles, mais aussi philosophiques, telles que : Qu’est-ce que le temps et quel est son processus ? Quid du temps psychologique et de la perception que nous avons de son écoulement ? Le temps est-il linéaire, ne serait-il pas plutôt relatif ? Dans les faits, votre peinture s’élève au-delà du temps psychologique et de sa perception qui nous trouble, en questionnant la science bien au-delà de la physique newtonienne. En quoi la peinture pourrait-elle être légitime dans ce questionnement qui semble appartenir aujourd’hui aux scientifiques ? Pensez-vous que la peinture puisse nous proposer une vérité sur le temps qui échappe à la science, et laquelle ?
E. A. : Marc, pour moi, le sujet du « Temps » ne peut pas appartenir à une catégorie de personnes, il est Universel. Aussi, je ne cherche pas à proposer une vérité au travers de mes peintures. Bien au contraire. Avec mes œuvres, j’introduis des premières clefs de lecture qui donnent une ouverture vers des questionnements sur le « Temps », sur nos sociétés, sur notre monde et sur l’Univers. Les réponses sont multiples et vivent en chacun de nous.
M. A. : Jean-Marc, puisque nous parlons du temps selon le physicien, rappelons-nous ce débat contemporain, qui a cent un ans cette année, puisqu’il date de 1922, et qui portait alors, sur la nature du temps, un dialogue de sourds peut-on dire entre Albert Einstein et Henri Bergson. La question portait précisément sur le temps qui passe, et sur la représentation que l’on s’en fait. Est-ce que vous vous représentez le temps plutôt sous la forme d'une montre aux aiguilles qui sonnent la distance parcourue ou plutôt comme un morceau de musique dont les notes s'enchaînent, chacune imprégnée de la précédente et appelant la prochaine ? En bref, êtes-vous plutôt einsteinien ou bergsonien ? Sachant, que le premier défendait plutôt une conception de la temporalité à l'aune de sa théorie de la relativité restreinte, et que le second, pensait le temps sous un prisme plutôt psychologique.
J.-M. B. : Les deux, à vrai dire ! Einsteinien, déjà, par nécessité, dans le quotidien. Car il vaut mieux avoir une « montre » dans la tête pour parcourir avec un minimum de sérénité la distance d'une journée ou... d'une année ! Ne méprisons pas, dans la vie personnelle ou professionnelle, les vertus d'un emploi du temps réfléchi, sinon médité !
C'est un premier pas vers la paix de l'âme. Un simple bureau mal rangé, recouvert de papiers en souffrance, peut, en effet, déprimer profondément. Quand les oublis et les retards se multiplient, avec l'impression ressentie d'être étouffé ou submergé, il est nécessaire de tout remettre à plat et de s'imposer un « régime du temps » drastique. Avec des renoncements, des allègements.
Une bonne organisation reflète aussi une forme de beauté et de sagesse. Savoir dire non à une sollicitation, goûter un rendez-vous en prenant un peu d'avance, se donner le temps de la clarté intérieure avant de prendre une décision (Louis XIV répondait toujours : « Je verrai ! »), et surtout pouvoir respirer à pleins poumons la rafraîchissante gratuité du temps.
Mais je suis aussi bergsonien par tempérament : quand je dois décider de quelque chose, de mineur ou de majeur, je mets presque toujours en balance l'utilité de cette action avec la puissance de vie qu'elle recèle. Entre-t-elle en résonance avec ce qui me fait vibrer vraiment ? C'est une question d'oreille, non pas interne, mais intérieure. Ou de ressenti subtil. Je peux par exemple renoncer sans hésitation à quelque chose d' « utile » ou à un quelconque intérêt pour poursuivre une conversation intéressante, prolonger une rencontre inattendue, écrire une page dont l'inspiration ne peut attendre, ou passer un après-midi d'errance bienheureuse en pleine forêt ou dans les rues de Paris.
Pour autant, je ne renonce pas, loin de là, à tout ce qui peut paraître ennuyeux ou désagréable. Déjà, il y a la fameuse « règle d'or », qui consiste à éviter de faire aux autres ce qu'on n'aime pas subir soi-même. En s'efforçant, par exemple, sauf empêchement impérieux, de ne pas décommander au dernier moment un déjeuner prévu.
Il est bon aussi de se poser cette question à chaque décision : cette dernière s'inscrit-elle dans mes fondamentaux ? Car les objectifs les plus concrets s'appuient aussi sur des piliers intérieurs. La vie n'est pas qu'une succession d'instants ; elle s'inscrit dans une durée qui lui confère son unité.
Tout cela étant dit, nous ne sommes pas des robots. Chacun a une histoire, avec ses fêlures intimes, ses contradictions inévitables, ses conflits de valeur ou ses sentiments violents qui peuvent l'envahir et le déstabiliser. L'affronter est l'occasion de se connaître mieux – et de reconnaître, surtout, sa simple humanité. Toute cette dramatique rend plus poignante encore cette « symphonie du temps qui passe » !
Jean-Marc Bastière : photo copyright Frédéric Stucin
M. A. : Et vous, Erik, qui explorez l’esthétique picturale des « Date Paintings », seriez-vous plutôt einsteinien ou bergsonien ?
E. A. : Marc, même si les questions du temps, sous le prisme de la psychologie m’intéressent et font partie de mes réflexions, je suis tout de même plus einsteinien. La théorie de la relativité restreinte qui nous apprend que l’écoulement du « temps » est différent selon que l’on est ou non en mouvement. Mais également, la théorie de la relativité générale où l’on découvre que la gravitation est une déformation de l’espace-temps induite par les objets qui sont dans cet espace-temps et par leur énergie, ou encore les ondes gravitationnelles sont des univers qui m’habitent et me passionnent profondément. Aussi, je pense que la linéarité du temps est très discutable et que le « Temps » est bien différent de la représentation que l’on peut se faire d’une montre aux aiguilles qui sonnent la distance parcourue. Je pense, au contraire, que le « Temps » est relatif. Comme d’ailleurs beaucoup de choses dans nos sociétés, dans notre monde et dans l’Univers.
Jean-Marc Bastière, Marc Alpozzo et Erik Andler (de gauche à droite)
M. A. : Une dernière question pour tous les deux. Chez Spinoza, l’instant présent se définit mathématiquement comme un « infinitésimal ». C’est une notion abstraite, littéralement imperceptible, au sens de la perception humaine. Pourtant, à l’autre bout extrême du maniement mathématique du temps on trouve une autre notion, tout aussi abstraite, celle d’éternité, qui est elle-même une notion non soutenable par l’expérience et qui risque de nous faire perdre le sens de la réalité. Spinoza écrit pourtant, dans son Éthique: « Et cependant nous sentons, nous éprouvons que nous sommes éternels[1] ». Vous-mêmes, pensez-vous, que malgré le temps qui passe, je parle du temps des horloges, nous sommes éternels ?
J.-M. B. : Oui, je le pense. Mais pour comprendre l'éternité, il faut revenir à l'idée de présent. Car le passé a été et l'avenir n'est pas encore. Seul le présent existe mais qu'est-il ? Une évidence pas si évidente. Car il semble disparaître dans un instant infinitésimal, qui tend asymptotiquement vers zéro sans l'atteindre. Le présent, en tant que succession d'instants toujours divisibles, n'est jamais présent, il nous échappe toujours. Or, ce qui fonde le présent en tant que présent, c'est qu'il est présent, obstinément présent, et non pas absent à lui-même.
C'est pourquoi il transcende l'instant, il l'englobe dans une réalité supérieure. Quand je suis avec quelqu'un, cette présence dépasse l'instant, elle forme un tout - presque un tiers entre nous. On dit d'ailleurs qu'on est présent à une personne ou à un événement. Une unité mystérieuse cimente ce présent, qui résiste à la perpétuelle consumation de l'instant.
La voici donc, la porte dérobée de l'éternité, qui laisse passer un souffle d'air frais venu d'ailleurs : c'est cette présence du présent que nous ressentons par intermittence et de façon très imparfaite mais qui est toujours là. Quand elle paraît avoir déserté, nous nous sentons exilés. Le présent embrasse tous les temps et tout passe, sauf lui, éternellement nouveau.
De ce point de vue, le présent et l'éternité ne sont pas uniquement des notions abstraites mais aussi d’expérience. Mais nous autres, êtres humains, ne supportons l'éternité que mélangée au temps, avec une teneur infime. Sinon, elle serait, en effet, insoutenable. L’éternité baigne le temps comme une atmosphère invisible. Nous sommes plongés dedans comme un voyageur dans l'immensité du monde. Indépendamment de toute croyance, elle est une réalité qui imprègne toute notre existence.
L'éternité, c'est ce qui échappe au temps et le transcende. Ce qui a existé, existera, d'une certaine façon, pour toujours. Que nous croyions ou non en la vie après la mort. Dans une ode composée en 476 après J.-C., le poète grec Pindare écrivait : « Rien de nos actions justes ou injustes ne peut être anéanti. Le Temps même, père de toutes choses, ne saurait faire qu’elles n'aient pas été accomplies ». Terrible responsabilité quand on y pense d'être cloué à jamais à ses actes, perspective pétrifiante, inhumaine, désespérante, qui fait penser à « l'éternel retour » de Nietzsche.
Notre expérience intime, heureusement, est tout autre. C'est celle des mystiques et des artistes, mais elle est accessible à tout un chacun. Il suffit de faire silence en soi, dans l'écoute et le recueillement, car l'éternité vient nous visiter incognito. Pudique et discrète, loin de l'effroi suscité par le « silence éternel des espaces infinis », elle ne fait que de furtives mais fulgurantes apparitions. Comme dans une maison de famille dont les fenêtres ouvrent sur la nuit étoilée. Mais rien de mécanique en cette jeune éternité ; c'est toujours à un moment inattendu, dans une douceur de brise, qu'elle apparaît. Même son absence est présence. Car elle laisse dans son sillage un parfum de tendresse et d'amour.
E. A. : Marc, pour moi, l’éternité c’est quand le temps s’arrête, lorsqu’il s’effondre sur lui-même.
L’astrophysique me donne cette vision artistique de l’éternité. Je vois cet instant où l’on atteint l’horizon des événements d’un trou noir. Alors, le temps ralentit considérablement. Et au-delà, jusqu’à la singularité, je vois le temps s’arrêter et laisser place à l’éternité.
Aussi, quand le moment est venu de nous envoler, le temps doit sans doute s’effondrer sur lui-même pour nous ouvrir la porte de l’éternité.
En quête de sens : • Est-il possible d’arrêter de courir après le temps ? - 02/02/2023
Animée par Mare-Ange de Montesquieu, avec Érik Andler, Marc Alpozzo, Nina Bataille
Nota Bene : La première exposition parisienne d'Erik Andler « Distorted Date » aura lieu du jeudi 09 (vernissage) au jeudi 23 février (clôture) 2023. A l'Hôtel La Louisiane - 60 rue de Seine - 75 006 Paris.
Il y aura également plusieurs soirées de conférences & réflexion & convivialité sur le « Temps » durant l'exposition :
- vision philosophique du « Temps » avec les philosophes Jean-Marc Bastière et Marc Alpozzo le samedi 11 février de 17h30 à 19h30
- vision sentimentale du « Temps » avec une soirée-concours de textes (prose ou poèmes) d'amour contenant pour la Saint-Valentin le mardi 14 février. Le gagnant remportera une œuvre originale et unique, peinture numérique imprimée en digigraphie sur papier fine art et placée dans une caisse américaine de 54 x 73 cm d'Erik Andler. Les consignes sont ne pas excéder une page et inclure au moins une fois dans son texte les trois mots Temps, Amour, Eternité.
- vision neuroscience du « Temps » avec les chercheurs en neurosciences Daniel-Philippe de Sudres et Eric Durand-Billaud le jeudi 16 février à 19h
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[1] Éthique, Cinquième partie, Scolie de la proposition 23.