Identités et controverses

Cette recension a paru dans Livr'arbitres numéro 49.
Dans une collection engagée, « Disputatio », en latin « controverse argumentée », de quoi nous mener sur des chemins qui rappellent la scolastique médiévale, on retrouve avec plaisir une méthode d'enseignement et de recherche, voire une technique d'examen permettant le débat autour d’une grande question. Aujourd’hui, une des questions d’ordre social, c’est l’identité.
Laurent Dubreuil, qui est écrivain et professeur d’université, et Norman Ajari, qui est philosophe et maître de conférence en études noires francophones, dialoguent. L’ouvrage Violences identitaires (éditions Mialet et Barrault, 2024) revient sur le « racialisme ». À l’inverse de l’universalisme qui pense la réalité comme un tout, le racialisme prétend étudier celle-ci et en tirer des conclusions à partir d’une théorie des races ou d’une catégorisation des êtres humains selon leurs races respectives.
Le constat est clair : on vit une montée en puissance de l’affirmation de la race et du repli identitaire. Ce que l’on pourrait appeler la tenaille identitaire à l’américaine, si je puis m’exprimer ainsi. Précisément sous la forme de la violence communautaire, meurtrière, guerrière.
Le grand débat contemporain
Le grand débat contemporain de notre début de siècle est donc celui de la race. On pensait, grâce à l’arrivée des socialistes au pouvoir en 1981, et à la génération Mitterrand, y avoir définitivement échappé. C’est le retour du refoulé chez Freud ! Et si cette question se pose, ce n’est autre qu’à travers la question brûlante des migrants qui enflamme les débats, et crée, ce que Yves Charles Zarka appelle une « hystérie politique collective », et qui n’est possible, selon le philosophe « que parce qu’elle prend appui, au niveau de la population française, sur une angoisse sourde à la fois migratoire et identitaire, qu’elle excite et amplifie ».
Le relativisme culturel, les revendications identitaires par des tenues dites culturelles, des signes distinctifs, des comportements séparatistes, des affirmations ethniques, des censures moralisatrices, le constat est simple : on fait l’expérience d’un retour des « identités ». En ce sens, l’échange de lettres entre Laurent Dubreuil et Norman Ajari est salutaire, mais aussi courageux, tant la « tenaille identitaire » et la question des identités est un fil rouge qu’il est dangereux de passer, au risque de représailles ou de désapprobation unanime, et en tous sens. Un livre à lire, ne serait-ce que pour trouver un éclairage, quelques pistes, ou une compréhension des enjeux de notre époque.
Paru dans le n°49 de Livr'arbitres, Mars 2025.