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« La Route de San Giovanni », Italo Calvino et les géographies imaginaires

Italo Calvino, né à Cuba en 1923 et mort en Italie en 1985, est l’homme de plusieurs patries. Son cosmopolitisme est d’abord un choix. Théoricien de lieux abstraits, créateur des villes invisibles, il réinvente la géographie, il dessine des topos imaginaires afin de mieux cerner son rapport à sa terre d’origine. La Route de San Giovanni est une autobiographie en cinq nouvelles, où la question de l’espace et de la géographie joue un rôle majeur.



Italo CalvinoLa Route de San Giovanni, ce sont cinq textes qui forment ce recueil paru à la mort de l’écrivain italien, composés à des dates très différentes. Cinq textes autobiographiques écrits à des moments épars de sa vie, et dont rien ne justifie le collage. Cinq récits qui questionnent le mystérieux fonctionnement du souvenir.

Dans une courte préface, Esther Calvino confie qu’en 1985, au printemps, son mari lui dit qu’il « écrirait encore douze livres », parmi ceux-là, elle imagine Les Leçons américaines, et bien sûr, celui-ci, dont les nouvelles furent écrites entre 1962 et 1977. Cinq récits, cinq fragments, cinq incursions dans les terres obscures du langage, de la mémoire, du souvenir ; cinq cheminements au carrefour du récit intime, de ses jeux entre passé imaginé et passé réel.



« Le surgissement des souvenirs est déterminé par les différents éléments qui tour à tour les justifient : la couleur des lieux, les démarches des uns et des autres, la topographie des territoires arpentés ; souvenirs qui s’inscrivent dans la richesse des gestes et des démarches quotidiennement accomplis », écrit, dans sa préface au livre, Jean-Paul Manganaro.



L’ouvrage commence par l’enfance de l’écrivain à San Remo, dont l’écriture de l’écrivain tente de retrouver quelques traces, et le chemin l’éloignant progressivement de son père, se remémorant le chemin parcouru entre son village et San Giovanni où il achète au marché des produits typiques pour répondre aux besoins de la famille. ; il narre également sa passion pour le cinéma américain de salles de province, épisode d’une jeunesse disparue, d’une époque révolue, soulevant soudain la nostalgie, la mélancolie envahissant l’auteur pour cette époque où la découverte du cinéma fut comme la découverte d’un nouveau monde, le monde de l’évasion, le monde grandiose du grand écran, sans compter la traumatisante expérience d’une bataille pendant la résistance italienne, les moments d’impatience et de panique cachés dans les vignes, la mort d’un compagnon d’arme, ou encore la descente des ordures ménagères, « la poubelle agrée », l’apparition des sacs plastiques et des sacs de recyclage, la question des éboueurs et de l’immigration. Enfin, une merveilleuse enquête métaphysique sur le livre, dans la der des ders, qui est une méditation poétique, faite d’abstraction, de pensées confuses, montrant que la mémoire est largement surévaluée, qu’on y sonde l’intensité de la lumière à la lueur de sa propre imagination.

 

italo calvino

Mark Rotko

 

C’est du monde de Calvino dont il est question ici, un mélange subtil et lyrique, fabriqué de trous, de phrases sans commencement ni fin, tel le monde, la vie, la mémoire, le rêve. En voici un exemple :


« alors que moi je parle d’un monde où en même temps on voit tout sans le voir, puisque tout ressort et se cache et se montre et se voile, les palmiers s’ouvrent et se referment comme un éventail au-dessus des mâtures des bateaux de pêche, le jet d’un tuyau se lève et arrose un champ d’invisibles anémones, la moitié d’un autobus tourne dans le demi-tournant de la route carrossable et disparaît entre les épées d’un agave »


Entre rêve et réalité, la mémoire, telles nos existences, semble vouée à un mystère permanent, demeure une histoire sans fin, comme ces nouvelles de Calvino, où les desseins du réalisme semblent n’être qu’une profonde plongée dans l’onirisme.

italo calvino

Italo Calvino

 

 

Italo Calvino, La Route de San Giovanni, traduit de l’italien par Jean-Paul Manganaro, Gallimard, « Folio », novembre 2018.




Italo Calvino - Entretien (A Voix Nue) 1976

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