Les Tics de KANT ou De la cripure de la raison tique : le philosophe allemand des lumières et de trois Cri-tiques
Désormais, « presque » tout le monde sait qu’Emmanuel Kant, le grand philosophe allemand du XVIIIe siècle, a écrit une Critique de la raison pure (1781), une Critique de la raison pratique (1788) et une Critique de la Faculté de Juger (1790). Cet article a été écrit à quatre mains avec Emmanuel Jaffelin, philosophe, essayiste, et auteur de Célébrations du bonheur, paru chez Michel Lafon (dont j'ai eu l'occasion de parler dans ces pages.) Cet article est paru dans le site du magazine Entreprendre. Le voici désormais en accès libre dans l'Ouvroir.
Trois livres fondamentaux, d’abord pour Kant lui-même, sans lesquels il ne serait jamais passé à la postérité, mais pour nous aussi, puisque la première critique, qui pose la question : « Que puis-je savoir ? » ne déduit pas moins que la métaphysique ne pourra jamais se présenter comme science, coupant ainsi le monde des noumènes ou choses en soi (monde des idées) du monde des phénomènes (monde des choses). Deuxième texte fondamental est la deuxième critique, qui pose la question « Que dois-je faire ? », en nous répondant que nous devons agir en conformité avec l’impératif catégorique moral, sans plaisir et sans y tirer quelconque intérêt. Quant à la troisième et dernière critique, elle se pose les questions : « Que m’est-il espérer ? » et surtout : « Qu’est-ce que l’homme ? », reliant le particulier et l'universel en l’étudiant afin de mettre en cohérence les usages théorique et pratique de la raison, qui fondent respectivement la connaissance et la morale. Ainsi, l’écriture de ces trois livres fait comprendre que chaque Cri-tique est un -tic[1], au sens moderne de ce mot dont prévalent deux définitions : d’abord le mot désigne un mouvement convulsif, un geste bref automatique, répété involontairement ; ensuite un geste plus ou moins habituel que la répétition rend ridicule. L’attitude de Kant correspond plutôt à la seconde définition : la répétition rend ridicule – une critique ça va, deux critiques, bonjour les dégâts ! Trois critiques : la névrose est là [2]! – sauf à l’Université où l’œuvre de Kant est enseignée avec l’esprit de sérieux et des répétitions plus suspects que drôles, quand ce ne sont pas les spécialistes de Kant et de Hegel qui s’engueulent, les kantiens accusant Hegel d’être « un excellent commentateur de Kant », nous citons dans le texte. Une autre expression populaire dirait que cet universitaire philosophe a toujours enfoncé le même clou : toujours la critique, mais surtout pas sa mise en abîme, comme la critique de la critique[3] de Todorov[4] ou bien l’auto-critique, attitude morale ou psychologique qui aurait consisté, pour Kant, à reconnaître ses propres erreurs pas nécessairement très propres !
Au-delà (Jenseits, écrirait Nietzsche !) de ces trois critiques comme tics évidents, Kant avait comme tic de préférer la masturbation au coït, justifiant son tic par l’argument expliquant que la solitude permet à l’auteur de ne pas perdre de temps avec son conjoint et donc de pouvoir développer ses propres tics soit l’écriture des trois Critiques ( et pas seulement[5]!). Au-delà, ou dans la foulée de l’onanisme, le criticisme découle d’un autre titre : donc onanisme et trois critiques = 4 tics kantiens ! Il avait une autre habitude c’est de faire sa balade à 16h (sauf le jour de la Révolution), étant plus précis qu’une horloge. Enfin, une troisième habitude : il détestait déjeuner seul, et demandait à son majordome de lui trouver un passant qu’il inviterait chaque midi à sa table.
Kant mourut puceau ou vierge sans devenir un dieu ou un Dieu, mais en prenant la peine de distinguer l’amour sexuel, ayant pour but la conservation de l’espèce humaine, – le plaisir étant le but principal et premier que voyaient les êtres humains ne philosophant pas, d’un amour « contre nature » qui est étranger à ce but et validé par le droit dans nos démocraties qui n’aiment pas les tics kantiens.
Conclusion (provisoire) : la philosophie est un tic ou un tac ou un toc (on sait combien le philosophe ne peut l’être que parce qu’il est obsessionnel, revenant systématiquement, et presque maladivement, à la question ) : Diogène se grattait, Socrate avait le tic d’aborder des gens (puissants ou misérables sans discrimination) qui ne lui demandaient rien afin de les interroger, Platon avait le tic de voir des idées permettant de comprendre chaque chose, Descartes avait le tic du doute, mais moins que Hume (cf. le scep-tic-isme) et Marx avait le tic des Révolutions, même s’il épousa une bourgeoise et ne participa à aucune révolution. Moralité : si vous n’avez aucun tic (ou aucun T.O.C – Trouble Obsessionnel du Comportement) abandonnez la philosophie, elle n’est pas pour vous !
Question ontologique et subsidiaire (ou jeu de mots anglo-germanique) : Pourquoi Kant n’a-t-il jamais fait l’amour ? Réponse : Because he can’t!
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[1]- Expression issue du livre Le Sang noir, roman de l'écrivain breton Louis Guilloux publié en 1935, aux éditions Gallimard.
[2]- Et dire que l’un des deux auteurs de cet article n’a pas écrit trois critiques, mais 4 éloges (de la gentillesse) !
[3]- Dans ce livre, Todorov n’écrit pas un traité philosophique à l’instar des critiques de Kant, mais un roman d’apprentissage Un roman (inachevé) d'apprentissage, où l'auteur raconte ses amours et ses déceptions, pendant ses vingt-cinq dernières années. Un programme (rapidement esquissé) de la « critique dialogique », qu'illustrent les sept chapitres du livre ; dans les deux derniers, les auteurs critiqués prennent à leur tour la parole. Une réplique dans le débat idéologique actuel, présenté comme l'antinomie d'un dogmatisme classique et d'un relativisme moderne, antinomie à laquelle l'auteur croit pouvoir échapper par cette critique de la critique. Un panorama (incomplet) de la critique au XXe siècle : une analyse de la pensée théorique de Sartre et Blanchot, de Döblin et Brecht, de Jakobson et Bakhtine, de Barthes et Frye, de Watt et Bénichou.
[4]- Todorov : critique de la critique
[5]- Ajouter, mais pas seulement : Prolégomènes à toute métaphysique future qui voudra se présenter comme science (1983) ; Idée d’une histoire universelle d’un point de vue cosmopolite (1784) ; Réponse à la question : Qu’est-ce que les lumières ? Fondations de la métaphysique des mœurs (1785) ; Projet de Paix Perpétuelle (1795) ; et bien d’autres ! Kant a écrit près de 50 ouvrages.